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Alberto Morillas

Le grand parfumeur à propos de douche froide, de savons, des senteurs de la Méditerranée et du goût de l’eau bénite

– Sur un bateau pour aller où?

– Toute l’année, je n’attends qu’une chose: partir pour Formentera. J’y descends dans un vieil hôtel qui ne loue que trois chambres.

– Et sur un pédalo, avec qui?

– Avec mon meilleur copain, François. Mieux vaut avoir plein d’histoires à se raconter que des bêtises à y faire.

– Fermez les yeux. Si je vous dis «De l’eau», que voyez-vous?

– La Méditerranée. C’est une mer pleine de recoins secrets, de criques inaccessibles que l’on espère découvrir. Elle est chargée d’odeurs par la végétation et par les rochers sur lesquels elle vient de se briser, c’est un subtil parfum de terre et d’eau mélangées.

– Vos premières larmes par amour?

– Celles que j’ai vues dans les yeux de ma femme.

– Combien de bains par semaine?

– Seulement des douches, avec le même savon depuis toujours: l’Eau d’orange verte d’Hermès. Et toujours sous forme de savon solide, jamais de gel douche. J’ai grandi en Espagne où beaucoup de gens se parfumaient en se frottant un savon sur le corps.

– Votre plus belle odyssée?

– La première fois que j’ai loué un caïque pour naviguer sur les côtes grecques et turques. Quinze jours à dormir sur le pont, à la belle étoile. Le matin, à peine levé, on plongeait dans l’eau.

– Et votre pire costume de bain?

– En partant à Bahia, j’ai pris par mégarde celui de mon fils. J’ai dû aller acheter le premier venu. Et le premier venu, pour moi, c’est très difficile.

– Vous transpirez?

– Comme les Anglais, je me contrôle. Je n’enlève jamais ma veste. Je crève de chaud, mais je ne donne jamais l’impression de transpirer.

– Votre vie ressemble-t-elle à un verre à moitié vide ou à moitié plein?

– Toujours trop plein ou trop vide mais c’est ma vie, et c’est celle que j’aime. Je suis toujours heureux.

– Les douches froides, à quoi ça sert?

– A souffrir. Et je suis un créateur qui n’aime pas souffrir.

– Votre plus grand plongeon?

– Le 3 mètres de Genève-Plage.

– Henniez bleue ou Henniez verte?

– La meilleure eau, c’est celle que l’on recueille à la source ou à un robinet. Je viens d’un pays où l’eau est une denrée précieuse, je suis toujours choqué qu’on la gaspille.

– Un mot avec un e dans l’o?

– Cœur. Quand on ne l’entend pas, ça veut dire que tout va bien.

– Qu’entendez-vous quand vous avez la tête sous l’eau?

– Les bruits de mon propre corps, et c’est un cauchemar. Je me dis que c’est à cela que doit ressembler la mort.

– Quel goût a l’eau bénite?

– Pour la goûter à chaque fois que je vais dans une église, je peux vous le dire: elle est salée.

– Etes-vous le fils de la mer?

– Oui. Je suis originaire de Séville et la mer nous manquait beaucoup. Le week-end, on louait une voiture, on y attachait les chaises et on filait voir la mer à Cadix.

– Sticks de poisson ou caviar?

– Caviar, évidemment, même s’il est devenu si cher que le plaisir est altéré par la culpabilité. J’aime le consommer sans compter. Et si c’est Noël, on poursuit avec une raclette.

– Sel de mer sur la peau. Vous rincez ou vous léchez?

– Je me lave tout de suite. J’aime le corps propre.

– Aujourd’hui, qui sont les sirènes que nous n’entendons pas?

– Celles du silence.

– Quelle boisson pour accompagner votre dernier repas?

– Un Château Haut-Brion.

– Ô rage, ô désespoir…

– Désespoir? Quel désespoir?

Parfumeur chez Firmenich. Dernière création: Essence pour Narciso Rodriguez.