Alain Berset, président du Conseil des Etats, avait pensé y organiser une manifestation cette année. Il y a renoncé pour ne pas donner l’impression que le Conseil des Etats est une institution tournée vers le passé. «Mais il est utile à qui se veut ancré dans le présent et entend regarder vers l’avenir, précise-t-il d’emblée, de savoir où sont ses racines.» Il plaît au socialiste fribourgeois de se souvenir qu’en 1848 on a choisi Berne comme capitale, pour des raisons d’équilibre confédéral, qui se sont révélées tout à fait pertinentes, avant de savoir où l’on logerait les institutions de la nouvelle Confédération.
Sur place, Alain Berset tente d’imaginer dans quel climat se tenaient les séances de la toute jeune Chambre des cantons. Il s’est plongé dans les procès-verbaux de l’époque. Les débats étaient rondement menés, a-t-il constaté. Il s’efforce aussi de remonter plus encore dans le temps, aux séances de la Diète, alors itinérante, entre Zurich, Berne et Lucerne, qui siégea en ces lieux lorsque c’était le tour de Berne, et avant cela aux réunions de l’éphémère Sénat de la non moins éphémère République helvétique, qui correspondait si peu aux mœurs politiques de la Suisse.
Il faut remonter encore plus loin dans le temps pour arriver aux origines. Construit en 1731 sur les plans de l’architecte bernois Albrecht Stürler, le bâtiment abrita d’abord une sorte de parlement des jeunes (Aeusserer Stand), réplique des institutions qui permettait aux jeunes bourgeois de la ville de se préparer à leur entrée dans les Conseils et l’administration de la Berne d’Ancien Régime.
En 1798, Napoléon mit fin à l’un comme à l’autre. En 1817, le bâtiment passa des mains de la Ville, qui a renoncé à le transformer en Hôtel de Ville à son propre usage, dans celles du canton. Il abritera les séances de la Diète, itinérante, que le canton n’a pas voulu loger dans son propre Rathaus. Le réaménagement en style Empire de la salle du premier étage, débarrassée de son ornementation Régence alors en fort mauvais état, date de cette époque. Le grand lustre de cristal sera installé en 1854 avec l’arrivée du gaz. C’est dans cet esprit que la salle a été rénovée à la fin du XXe siècle, avec sa tapisserie verte. Elle est aujourd’hui utilisée pour des réceptions privées et des cérémonies publiques.
Fin d’une vocation politique
La salle Empire a vu la gestation de plusieurs constitutions. Celle du canton de Berne et celle de la Suisse moderne, entre 1831 et 1848. Après le départ du Conseil des Etats pour le Palais fédéral tout neuf, le bâtiment cessa de s’inscrire dans la vie politique. C’est là encore que fut fondée, en 1874, l’Union postale universelle. Au fil des années, la salle Empire abrita des concerts puis la Cour d’assises du canton. Le rez-de- chaussée fut occupé successivement par un bureau de poste puis par une école secondaire pour les filles. L’Aeusserer Stand avait été, à l’époque de sa restauration en 1817, le bâtiment public le plus moderne et le plus recherché du pays. En 1905, le canton de Berne ne sut plus qu’en faire et rechigna à assumer les frais d’entretien. Il le vendit à un particulier. La salle Empire abritera pour un temps le Musée alpin suisse, puis un commerce. En 1979, une Fondation dans laquelle figurent le canton, la ville et la bourgeoisie de Berne, la Confédération et La Poste pripossession du bâtiment, qui sera restauré entre 1980 et 1982.
La Confédération sait se souvenir, à l’occasion, des racines historiques de l’Aeusserer Stand. C’est dans la salle Empire que sera présentée officiellement, en 1999, la révision de la Constitution fédérale. Certains partis politiques y organisent à l’occasion des soirées électorales, mais l’esprit des origines ne souffle plus guère en ces lieux. Le tenancier du restaurant a toutefois le mérite de fournir une notice historique, complète et explicite.