Contrairement au Grütli et au site de Sempach, cet endroit n’a pas (encore?) été récupéré par les mouvements néonazis. Mais les militaires et les nationalistes en ont fait le symbole de la résistance contre toutes sortes d’ennemis. En 1908, la Société suisse des officiers érigea un monument en surplomb du lac d’Aegeri. Elle y présenta la bataille de 1315 comme «le premier acte de liberté» des Confédérés de 1291, à qui l’on rend encore hommage aujourd’hui par un tir commémoratif annuel. En 1941, un film, Landammann Stauffacher, sortit sur les écrans du pays avec l’arrière-pensée de faire du chef schwyzois un précurseur de cet autre symbole de la résistance que fut le général Guisan.
«Relations personnelles»
Cent ans après la construction du monument, retour sur les lieux avec Pirmin Schwander, Schwyzois, conseiller national UDC et président de la nationaliste Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN). Pour lui, Morgarten est un «symbole idéal dans le contexte de la guerre économique actuelle, où les petits Etats et leurs entreprises sont attaqués par les grands. Cette bataille nous montre que, quand on est petit, on est fort si on se met ensemble.»
Mais avec qui la Suisse, de plus en plus isolée, peut-elle se mettre ensemble? «Quand je dis qu’il faut se mettre ensemble, je pense avant tout à notre cohésion intérieure. Nous devons nous tenir les coudes, définir ensemble notre stratégie. Il est possible de résister à un adversaire moderne avec des moyens simples. Il n’y a pas mieux que Morgarten pour symboliser cela», analyse-t-il. Mais encore? «Il me paraît important de nouer des relations personnelles, comme a bien su le faire à l’époque Kurt Furgler. Nous manquons de telles relations aujourd’hui», assène-t-il en écho au bruit du tronc d’arbre sur la tête de l’envahisseur autrichien.
Les relations personnelles suffisent-elles vraiment dans un contexte globalisé? «J’en suis persuadé», répond-il. Le salut, cela ne surprendra personne de la part du président de l’ASIN, ne viendra ni de l’ONU ni de l’UE. «Il est important d’avoir une structure démocratique qui vient d’en bas. Or, l’UE ne connaît rien de tel.» De Tell et de Stauffacher, Pirmin Schwander retient que les petits résistent s’ils s’allient. Mais il s’enferme dans cette vision nostalgique. Il ne parvient pas à imaginer que la recherche de nouveaux soutiens extérieurs pourrait, aujourd’hui, constituer le prolongement de la stratégie d’alliances initiée jadis par le trio du Grütli.