Les parents, pas l’Etat
Seuls les grands-parents, la belle-famille et le concubin faisant ménage commun seraient dispensés de requérir le feu vert de l’administration, mais non le parrain ou la marraine. «C’est aux parents – et pas à l’Etat – que revient la responsabilité de décider comment et par qui ils désirent que leurs enfants soient gardés», souligne le parti dans un communiqué. Les libéraux-radicaux fustigent également l’obligation pour les parents de jour, à leurs yeux «totalement insensée et inapplicable dans la pratique», de communiquer à l’autorité une série de données à des fins statistiques.
Une révolution
Cette réaction de rejet n’étonne pas Philippe Lavanchy, chef du Service vaudois de protection de la jeunesse, qui s’attend à ce que l’ordonnance mise en consultation en suscite bien d’autres encore. «Les règles proposées vont effectivement assez loin, et elles posent la question de savoir ce que devient la responsabilité des parents. Mais elles affirment aussi, et c’est une très bonne chose, la priorité à accorder à la qualité de l’accueil et des activités faites avec les enfants», déclare le Vaudois.
Sur bien des points, note-t-il, le texte proposé n’apporte pas de changements fondamentaux à la réglementation en vigueur dans les cantons romands, mais représente une révolution pour certains cantons alémaniques qui n’ont pas mis en place une autorité cantonale. Ces cantons, dit Philippe Lavanchy, risquent «de découvrir ce qu’ils ont pratiquement ignoré depuis 1977», date de la réglementation fédérale actuelle de l’accueil extrafamilial d’enfants. Revues depuis à plusieurs reprises, ces dispositions ont marqué un important tournant en imposant l’idée que cet accueil ne devait pas se résumer à du gardiennage mais devait reposer sur une vraie prise en charge éducative.
En revanche, Philippe Lavanchy est surpris que les services d’Eveline Widmer-Schlumpf aient prévu de soumettre à autorisation la prise en charge d’enfants sur la base d’un arrangement strictement privé, entre amis ou voisins. La loi vaudoise, par exemple, ne soumet à surveillance l’activité des mamans de jour que pour autant que celles-ci offrent leurs prestations au public. L’adulte qui accueille l’enfant du voisin pour lui rendre service n’a pas besoin d’autorisation. «On considère que dans ce type d’arrangement ponctuel et privé, les parents sont suffisamment en mesure de vérifier que la prise en charge est adéquate pour q’une surveillance par l’Etat ne soit pas nécessaire», explique Philippe Lavanchy.
Règles dépassées
A l’origine du projet, il y a pourtant un constat très largement partagé, relayé au Parlement notamment par la conseillère nationale Jacqueline Fehr. En Suisse, constatait la socialiste zurichoise dans son postulat déposé en 2002, les placements d’enfants suite à des problèmes éducatifs ou familiaux ne répondent de loin pas partout à des normes suffisantes. En 2006, la découverte des mauvais traitements subis par des adolescents placés dans un centre en Espagne sur mandat des services sociaux zurichois avait souligné les carences dans l’accueil d’enfants en institution ou dans des familles.
Sur ce point, la nécessité de revoir les bases légales actuelles, jugées dépassées sur des nombreux aspects, semble peu contestée. Mais en poussant jusqu’au bout la volonté de soumettre à surveillance l’accueil d’enfants sous toutes ses formes ou presque, le gouvernement est en train de soulever un vent de fronde.