« Sur la place Lénine de Leninsk, Lénine montre d’un doigt énergique le nord où se trouve Baïkonour, la Mecque de l’astronautique mondiale. Même délabrée, la ville la plus proche de la base spatiale située au Kazakhstan, au milieu des steppes de l’Asie centrale, est depuis des années la porte d’accès la plus rapide à l’espace extraterrestre. Le 4 octobre dernier par exemple, à 3h42 pile comme prévu, une fusée Zemiorka s’est envolée majestueusement dans un vacarme d’enfer vite calmé.

A son sommet, coincés dans l’habitacle exigu du véhicule Soyouz, une femme et deux hommes, dont l’Allemand Ulf Merbold, le premier cosmonaute de l’Agence spatiale européenne (ESA). Il y est resté un mois, revenant sur terre le 4 novembre, un record de durée pour un cosmonaute européen. En matière de présence humaine dans l’espace, les Russes n’ont donc de leçon à recevoir de personne. La preuve? La station spatiale Mir a été lancée le 20 février 1986 et, à l’exception de quatre mois en 1989, elle a été habitée en permanence par des équipages de deux à six hommes. […]

Les meilleurs ne sont pas toujours promis au plus brillant avenir. Ce pourrait être le cas de la recherche spatiale ex-soviétique, fer de lance de la propagande d’un régime politique et fleuron du développement technologique d’une grande puissance. Une visite approfondie du cosmodrome russe et des usines d’assemblage, ainsi que des installations de contrôle à la Cité des Etoiles, près de Moscou, a permis à une poignée de journalistes spécialisés d’appréhender le problème dans toute son ampleur. […]

Baïkonour est à une trentaine de kilomètres au nord de Leninsk. Ce nom, emprunté à une ville située à 300 km au nord-est, est un résidu de la Guerre froide: les Soviétiques espéraient garder le secret le plus longtemps possible sur l’emplacement du site, très tôt découvert, au demeurant, par les avions espions U-2 américains, basés au Pakistan. […]

La désintégration de l’Union soviétique a transformé la grande base spatiale en une enclave russe au milieu de la République kazakhe. Comme si, d’un coup, Cap Canaveral se retrouvait au centre du Mexique… D’où de difficiles négociations d’Etat à Etat qui ont abouti, le mois passé, à la signature d’un contrat de location du cosmodrome pour un montant de 115 millions de dollars par an.

Mais à voir le soin mis dans l’entretien du cosmodrome lui-même par les Forces spatiales russes, responsables des opérations à Baïkonour, on peut émettre quelques craintes: tout autour des bâtiments d’assemblage des fusées, ce ne sont que des débris de matériels divers laissés n’importe où et n’importe comment à la lente dégradation engendrée par le soleil, le sable, la neige et le vent. […]

Même à bout de ressources financières […], la Russie reste un partenaire indispensable par la qualité et l’intelligence de ses matériels, par l’expertise accumulée en près de quatre décennies de recherche spatiale. Les Américains l’ont quasi réquisitionnée pour la construction de la station internationale et multiplient les accords industriels, comme celui liant Lockheed et Khrounichev, fabricant de la fusée Proton. L’Agence spatiale européenne a payé 56 millions de dollars aux Russes pour deux missions de longue durée de ses cosmonautes à bord de Mir. Mais l’ESA espère aller plus loin et échanger son savoir-faire spatial avec celui de sa partenaire. […] »

« Même à bout de ressources financières […], la Russie reste un partenaire indispensable par la qualité et l’intelligence de ses matériels »

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