Alors que le réalisateur possède une maison à Gstaad, et qu’il a souvent voyagé dans divers pays européens, comment se fait-il que les Etats-Unis n’aient pas tenté de l’appréhender plus tôt?

Selon Sandi Gibbons, porte-parole du Tribunal du comté de Los Angeles, ce n’est là que le résultat d’une traque qui dure depuis des années. «Chaque fois que nous savions que M. Polanski planifiait d’aller dans un pays qui possède un traité d’extradition avec les Etats-Unis, nous utilisions les chemins diplomatiques pour nous assurer de son arrestation», explique-t-elle. A plusieurs reprises, ayant sans doute été informé des menaces, le cinéaste aurait toutefois modifié ses plans en dernière minute.

Il n’en a pas été de même à Zurich. A en croire les avocats américains du cinéaste, ceux-ci étaient convaincus que la justice américaine avait suspendu ses requêtes d’extradition en attendant que soit tranché un appel déposé devant la Cour de Los Angeles. Le réalisateur, qui avait été très prudent ces dernières années, aurait ainsi baissé la garde. Cet excès de confiance s’explique. Au début de l’année, le documentaire Wanted and desired de Marina Zenovich avait mis en lumière une série d’irrégularités et de manipulations illégales de la part du juge Laurence Rittenband, chargé du procès en 1977 et décédé dans les années 1990. Les révélations contenues dans le documentaire étaient suffisantes pour amener les avocats de Polanski à demander l’abandon des poursuites. Leur demande a été refusée, mais l’appel en cours faisait partie de cette procédure.

Roman Polanski a-t-il jugé que le vent avait suffisamment tourné pour lui permettre de se rendre sans encombre à Zurich? Car, en voulant rouvrir le dossier, la diffusion de Wanted and desired a aussi réveillé ceux qui estiment que la stature internationale de Polanski a contribué à le placer injustement au-dessus des lois. Lundi, quelques analystes s’en prenaient à la célérité des policiers suisses à arrêter le réalisateur. Surprenant de la part d’un pays qui «traditionnellement garde les comptes bancaires secrets des criminels internationaux et des dictateurs corrompus», s’emportait Anne Applebaum, du Washington Post, en plaidant pour que les charges contre Polanski soient abandonnées. Mais son commentaire a suscité des dizaines de remarques ulcérées de lecteurs. Ils se disent «horrifiés» et exigent que Polanski paie pleinement le prix de son crime, fût-ce trois décennies plus tard.