La remise du prix aura lieu dans un endroit choisi par l'artiste et à un moment qui reste à déterminer (à suivre sur www.theater.ch/ANN.html). Anna Huber recevra un véritable anneau en or, l'Anneau… Reinhart. Elle fera également l'objet d'une publication: l'un des prochains numéros de Mimos, le bulletin de la Société suisse du théâtre, sera consacré à son art.
Mais il y a bien sûr aussi la scène. Aujourd'hui et demain, Anna Huber est l'une des invitées phares des Journées de danse contemporaine suisse à Lausanne. Elle y présente deux de ses créations les plus récentes, Stück mit Flügel (Pièce avec piano à queue) et Two, too, un duo avec la danseuse Kristyna Lhothakova. La première pièce est un dialogue entre l'artiste et sa sœur, la pianiste Susanne Huber. Sur des fragments de Kurtág, Ligeti et Franz Liszt, interprétés en direct et auxquels se substitue, par endroits, la musique électronique de Martin Schütz, Anna Huber réinvente son corps. Femme arachnéenne, presque contorsionniste, elle bouge dans une lenteur extrême, comme pour s'assurer du fonctionnement de chacun de ses muscles. Sur le mode de la déconstruction, reconstruction.
Au foyer du Théâtre Arsenic, elle pose son verre, s'assied et commence un discours calme et posé sur ses conceptions du métier d'artiste. «Créer veut dire se remettre en question sans cesse. Ne pas faire la moindre concession à ce que l'on croit acquis. Parfois, c'est très dur, avoue-t-elle. Pas tout le monde n'est prêt à le faire. Bien sûr, tous les artistes vous diront qu'ils s'interrogent constamment sur ce qu'ils font. Mais le dire est une chose. Le vivre vraiment en est une autre.»
Chacune de ses chorégraphies est une interrogation sur un ou plusieurs thèmes. Stück mit Flügel parle des différents niveaux du temps, de l'état d'être en route, comme suspendu entre deux points. Et de la musique, bien sûr. Anna et Susanne Huber jouent avec l'impact d'une mélodie sur scène. «Chaque morceau, chaque son véhicule des clichés. Pour les éviter, pour faire table rase, j'ai souvent travaillé dans le silence. Dans la Pièce avec piano à queue, je fais le contraire: il y a de la musique, j'essaie de ne pas me faire happer par elle. Mais j'avoue que Liszt m'emporte. A ce moment-là, mon corps s'envole. Presque contre mon gré.»
La critique dit qu'elle navigue entre l'abstrait et l'émotionnel avec bravoure. A première vue, l'abstraction prime. Stück mit Flügel et Two, too ne sont pas des pièces faciles. Aucune distraction pour les yeux, mais un art très sec, très conceptuel. Pourtant, au fil des secondes passées à s'imprégner de cette danse sculpturale, il s'en dégage une chaleur, une poésie émouvantes. Le plus important, dans son travail? La conjugaison des contraires, justement. «C'est comme dans la vie. L'être humain est contradictoire. Si on ne l'admet pas, on se ment à soi-même.»
Stück mit Flügel et Two, too. Chorégraphie et danse: Anna Huber. Théâtre Arsenic (rue de Genève 57, Lausanne). Sa 19 et di 20 janvier à 17 h. Rés. sur place une heure avant le début de la représentation.