«Amazônia»: Sebastião Salgado face aux gardiens de la biodiversité
Ode à la beauté de l’Amazonie, la plus grande forêt tropicale du monde, l’exposition «Amazônia» du photographe brésilien est un aussi un vibrant hommage aux peuples indigènes qui y vivent. A voir dans l’écrin du Palais des Papes à Avignon
Leurs visages sont peints de dessins délicats, presque abstraits, réalisés à l’aide d’extraits naturels. Ils portent d’élégantes tuniques en coton appelées «kushma», qu’ils tissent eux-mêmes; les hommes arborent également une bande de tissu qui ressemble à une cravate et des chapeaux de paille ronds couronnés de plumes. Lointains descendants des Incas, les Ashaninka forment une communauté de plus de 100 000 personnes. Trois mille d’entre eux vivent au Brésil, dans l’Etat d’Acre, le reste en grande majorité au Pérou, où ils se sont réfugiés sur les hauts plateaux sous la pression des envahisseurs espagnols. A la fin du XIXe siècle, ils ont dû faire face à l’arrivée sur leur territoire de dizaines de milliers d’extracteurs de caoutchouc, suivis par des forestiers puis des éleveurs de bétail.
«Ils ont obtenu en 1992 du gouvernement la reconnaissance de leur territoire traditionnel et se concentrent maintenant sur la reforestation, l’élevage de poissons, la culture de plantes médicales et le développement de leur artisanat traditionnel», explique Sebastião Salgado, regard franc et bleu abrité sous des sourcils broussailleux. Bruissement des grands arbres, masse sombre et touffue des sous-bois, fracas des eaux des cascades qui dégringolent des sommets, puissance majestueuse des hautes montagnes et tumulte des flots de l’Amazonie zigzaguant sous de lourds nuages blancs et gris: après avoir traversé un labyrinthe d'images noir et blanc spectaculaires, nous retrouvons le photographe assis à une table à l’extrémité de la Grande Chapelle du Palais des Papes. Pressé de nous faire découvrir l’exposition qui réunit quelque 200 photographies, celui-ci nous devance aussi sec entre les panneaux. «Vous avez vu ces femmes et ces hommes! Quelle santé! Quelle vitalité! Quelle fierté et dignité», susurre-t-il en s’arrêtant devant un diaporama faisant défiler une centaine de portraits d’Indiens rencontrés ces dix dernières années au fil de ses reportages.