Exposer du design, Thomas Hug en nourrit l’envie depuis six ans. Nommé en 2012, le tout nouveau directeur d’Artgenève annonçait alors vouloir consacrer une partie de son salon d’art contemporain au mobilier. Dans l’idée qu’un acheteur d’œuvres d’aujourd’hui cultive forcément le goût des belles choses aussi dans son aménagement intérieur. Une logique déjà appliquée à la foire d’art de Bâle où Design Miami/Basel meuble depuis 2006 les living-rooms des collectionneurs.

Salon précurseur

Du design, le visiteur d’Artgenève en aura donc vu – par-ci, par-là, parfois pas du tout – en fonction des éditions. Une présence aléatoire malgré la volonté tenace de la foire de s’ouvrir à ce champ des arts appliqués. «Mais voilà, on ne peut pas tout faire», admet Thomas Hug en feuilletant le programme de la 7e édition de son salon qui ouvrira ses portes le 1er février. «Alors autant confier l’organisation de la partie design à quelqu’un dont c’est le métier.»

Au PAD en l’occurrence. L’acronyme signifie Pavillon des Arts et du Design «même si plus personne ne l’appelle ainsi», insiste Patrick Perrin, marchand issu d’une longue lignée d’antiquaires spécialisés dans le mobilier français du XVIIIe siècle et fondateur de ce salon de l’objet rare il y a vingt-et-un ans à Paris. «A l’époque, aucune foire comparable n’existait. Il n’y avait ni Bâle, ni Miami. Et le mot design se limitait à qualifier les meubles gonflables des années 1960. Il a depuis fait florès.»

Il y a onze ans, le PAD inaugurait sa première édition londonienne en marge de Frieze, la foire d’art contemporain de Londres. En plein Berkeley Square, au milieu du trafic et sous une tente géante enroulée autour d’énormes platanes, une soixantaine de galeries pointues y présentent toujours du mobilier moderne et contemporain, de l’art décoratif, des objets d’art premier (asiatique précolombien, aborigène, africain) et aussi un peu d’art.

Viser un public plus large

De l’art, les galeries participant au premier PAD Genève, n’en exposeront pas. Histoire de ne pas créer de confusion avec l’autre salon. «Pour nous, cette association est un immense enrichissement, reprend Thomas Hug. Le réseau de ces marchands n’est pas forcément le même que celui de l’art contemporain. Ce qui nous permet aussi d’élargir notre public.» Et ainsi augmenter le nombre de visiteurs qui tourne autour de 17 000 chaque année. «Beaucoup viennent de la région. Après avoir un peu hésité les premières années, les Zurichois font désormais massivement le déplacement, ainsi que les Parisiens.»

En ce qui concerne le chiffre d’affaires réalisé par les exposants au bout de quatre jours de marathon, le directeur n’entre pas dans les détails. «Il est plutôt bon, en amélioration d’une édition à l’autre. Beaucoup de galeristes nous disent qu’ils travaillent très bien à Artgenève.»

Un défi face à une situation quasi monopolistique

Un succès qui va grandissant et qui a décidé Patrick Perrin à tenter l’aventure. «Artgenève est une foire qui a pris en importance et en maturité et a su trouver sa place aux côtés de Bâle. Je suis convaincu du potentiel de PAD Genève. D’autant que j’aime beaucoup votre ville. Et la Suisse en général, où j’ai suivi une partie de ma scolarité.» Vingt-six marchands de design feront le voyage de Palexpo. Dix-huit viennent de France (Alain Marcelpoil, Lacoste, Van der Straeten), trois de Genève (Latham, Patrick Gutknecht et Phoenix Ancient Art). «C’est très difficile de trouver des jeunes galeristes intéressants hors de France où dans ce secteur la situation est quasi monopolistique. Il y en a cinq en Italie, trois en Allemagne, quelques-uns en Suisse et ceux qu’on trouve à Londres sont généralement des Français venus s’installer en Angleterre, où il y a beaucoup de passage.»

Le PAD se veut donc une foire à taille humaine. Ce qui colle bien avec la philosophie d’Artgenève dont les ambitions ont toujours été de proposer peu d’exposants mais de très haut niveau et de varier les plaisirs de l’art avec plusieurs sections. Comme Artgenève musique. En 2018, la partie du salon dédiée à l’art sonore fête son cinquième anniversaire avec la publication d’un catalogue. Elle rappelle aussi que Thomas Hug est musicologue de formation. Lequel se réjouit de voir non seulement les galeries revenir à Palexpo d’année en année, mais aussi d’y accueillir des nouvelles, avec dans ses filets quelques gros poissons comme Emmanuel Perrotin, la Pace Gallery et les Parisiens de 1900-2000.

Le grand jeu

Artgenève étant également une plateforme de présentation, petits espaces d’expositions (Hit, Quark) et grands acteurs du marché (V-A-C Collection de Moscou, un choix des œuvres de la collection Michael Ringier. l’éditeur du Temps) – sortent ici le grand jeu. C’est le cas de Caroline et d’Eric Freymond qui ont prêté leur arbre de l’artiste italien Giuseppe Penone. Sous la hauteur de cathédrale de la halle de Palexpo, l’œuvre du chantre de l’arte povera organise une dispute amicale au sommet avec le Felix The Cat gonflable de neuf mètres, œuvre de Mark Leckey et propriété de la collection Syz.

Au rayon des expositions spectaculaires, le curateur genevois Samuel Gross mettra en scène sur 2000 mètres carrés des sculptures de Max Bill présentées comme à l’intérieur d’un jardin. Ce parc artificiel fait aussi office de teaser. Il annonce l’autre grande nouveauté du salon que le public découvrira à partir du 7 juin, date de la première édition d’Artgenève Sculpture, exposition biennale qui plantera, pendant trois mois, une sélection d’œuvres monumentales dans le parc des Eaux-Vives.

«Chaque édition sera organisée par un commissaire invité», précise Thomas Hug. C’est Lionel Bovier, directeur du Mamco, qui inaugurera cette nouvelle proposition d’art en plein air. «Ce qui nous permettra aussi de capter le public sur la route de la Foire de Bâle.»


Artgenève 2018 et PAD Genève 2018, Palexpo, Genève. Du 1er au 4 février.