De la vidéo à la danse
Comme mieux vaut tard que jamais, l’entreprise des commissaires d’exposition – à Martigny, Anne Jean-Richard Largey – est à saluer: on s’associe en effet avec plaisir et intérêt à la fascination des plasticiennes, outre Judith Albert, Elodie Pong, Anne-Julie Raccoursier, Chantal Romani et Anka Schmid, à l’égard de leurs consœurs d’hier. Très inspirées par les travaux de leur modèle respectif, elles ont chacune réalisé des installations vidéo qui valent davantage comme des appropriations et des réponses que comme de simples citations ou des variations sur un même thème. La plus connue sans doute parmi ces «dadames», notamment parce qu’elle a poursuivi une carrière prolifique au-delà du dadaïsme, au-delà même du surréalisme et de l’art abstrait, sur les chemins de traverse, Sophie Taeuber-Arp est approchée par Anka Schmid sous l’angle de la danse.
Cathédrale suggestive
Avec la collaboration d’une chanteuse, d’une danseuse, d’une costumière et d’une marionnettiste, Sophie danse malgré tout se révèle un magnifique spectacle, qui joue sur les effets d’éclairage, les costumes et la nature hybride des danses, et un hommage au «cran» et à l’incroyable imagination de Sophie Taeuber-Arp. Elodie Pong pour sa part ouvre une porte sur l’univers de celle qui «a anticipé le mouvement queer et celui de la performance féministe», la baronne Elsa von Freytag-Loringhoven, figure originale de la scène new-yorkaise qui, en compagnie de Morton Schamberg, donné avec God une manière de ready-made, et dont on découvre un Cathédrale aussi suggestive que minimale. Anne-Julie Raccoursier n’a pas choisi la facilité en s’intéressant à l’œuvre de Céline Arnaud, poétesse expérimentale plus que plasticienne qui, avec sa revue Projecteur, s’est moquée de tout et de tout le monde, y compris d’elle-même.
Magie de la vidéo, qui permet enfin à Chantal Romani de revisiter, de ranimer et de sublimer le travail subtil d’Angelika Hoerle; morte à 24 ans, cette artiste a notamment imaginé un abécédaire inachevé (la lettre F comme Fisch stylise la silhouette d’un poisson), dont le Journal de l’exposition a repris le principe. Entre la Beauté («Dada est beau comme la nuit qui berce un jeune jour», écrivait Jean Arp), le Rire et peut-être les Larmes liées à cette époque tragique, La Dada titille en tout cas l’intellect et la curiosité, et l’envie de faire ou de refaire. Pourquoi pas?
La Dada Die Dada She Dada. Manoir de la Ville de Martigny (place du Manoir 1, tél. 027/721 22 30). Ma-di 14-18h. Jusqu’au 10 janvier.