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«Le collectif est le principe fondateur de lundi13»

Cinq photographes romands, dont quatre émanant de Rezo.ch, lancent une nouvelle agence. Pas de bureaux centralisés et un refus de hiérarchie

«Les enfants de Tchernobyl sont devenus grands». L’image a valu à Nils Ackermann de remporter le Prix Photo 2015 à Zürich — © Keystone
«Les enfants de Tchernobyl sont devenus grands». L’image a valu à Nils Ackermann de remporter le Prix Photo 2015 à Zürich — © Keystone

Ils ont attendu un mardi 13 pour inaugurer officiellement leur agence, baptisée lundi13. Les photographes Niels Ackermann, Fred Merz, Nicolas Righetti et François Wavre, rejoints par Guillaume Perret, se lancent dans un nouveau collectif. Les quatre premiers travaillaient jusque-là pour Rezo.ch, fondé par Jean Revillard en 2001. Qui devient un «atelier photographique» davantage tourné vers les projets personnels. Entretien avec Niels Ackermann, en direct de Kiev.

- Le Temps: Pourquoi ce projet?

- Niels Ackermann: Nous vivons une période où tant les médias que la photographie se réinventent, à cause d’Internet, des nouvelles technologies, d’une diminution du lectorat pour la presse… Nos clients ont changé et notre travail également. Fred Merz par exemple s’est davantage tourné vers le «corporate», Nicolas Righetti reste ancré dans la presse… Nous avions besoin d’une structure pour faire cohabiter tout cela, dans laquelle chacun se sente valorisé et puisse participer activement.

- Sur quels principes fonctionne votre agence?

  • Celui d’une structure légère et très peu coûteuse afin de garantir la liberté créative. Chacun doit pouvoir décider de développer des projets personnels ou de passer du temps en famille. Nous avons opté pour des outils informatiques moins onéreux et mieux adaptés: le travail d’archives se meurt progressivement et ne nécessite plus les mêmes plateformes de diffusion, tandis que le développement des réseaux sociaux entraîne d’autres types d’images… Surtout, nous nous passons de locaux. Cela répond aussi au souhait d’une structure sans hiérarchie. Le collectif est le principe fondateur de l’agence; cela détermine l’absence d’un bureau centralisé, l’adresse e-mail accessible à tous, la redistribution des bénéfices à chacun – selon le chiffre d’affaires produit – ou pour des projets.

- Votre communiqué insiste sur le «collectif», le «fonctionnement collégial et horizontal». C’est ce qui vous manquait à Rezo, très identifiée à son fondateur Jean Revillard?

Les éléments fondamentaux de lundi13 relevant de la structure économique et du fonctionnement hiérarchique n’étaient pas possibles au sein du Rezo. Nous avons donc fondé notre structure. Nous avions aussi envie de légèreté et d’expérimentation.

- La photographie de presse reste-t-elle au cœur de vos préoccupations?

Le nom de l’agence n’évoque en rien la presse et ce n’est pas un hasard. Nous venons tous de la presse mais avons beaucoup élargi nos horizons ces dernières années. La presse nous offre moins de projets en terme quantitatif, mais elle reste une vieille copine avec qui nous aimons travailler. Il y a plusieurs voies, entre communication, mandats journalistiques et projets personnels de livres ou d’expositions, dont la proportion peut beaucoup varier d’un photographe à l’autre.

- Que dire des membres actuels et des potentiels futurs participants?

Fred Merz, à Genève, est un portraitiste et orfèvre de la lumière. Il travaille beaucoup dans le monde de l’horlogerie et du luxe. Nicolas Righetti, à Genève également, a une production beaucoup plus rapide. Il fait preuve d’une grande loyauté – et c’est réciproque – à l’égard de l’univers des médias. François Wavre, à Lausanne, est plus hybride. Il réalise beaucoup de portraits, travaille pour la presse et les entreprises. A côté, il expérimente à partir d’images anciennes et amateures. Guillaume Perret, le petit dernier, vient de Neuchâtel. Il est déjà assez établi même s’il s’est mis tardivement à la photographie, en 2005, après avoir été maçon puis enseignant. Quant à moi, j’ai commencé par la presse mais je développe beaucoup de projets avec les entreprises et les institutions. Je me suis installé à Kiev en début d’année, pour raconter ce pays différemment. Nous partons avec des membres ayant déjà un carnet de contacts établi, mais nous devrions nous élargir à terme à des photographes moins confirmés mais très inspirants.

- Qui sont vos clients?

Cela va du New York Times à Terre & Nature et de Hublot à Migros.

- Y a-t-il de la place pour plusieurs agences en Suisse romande ?

On l’espère. La compétition sur le plan créatif est stimulante. Le marché de la presse se réduit, mais la demande photographique en général reste très large.

- Pourquoi lundi13?

Nous avons lancé la structure un lundi13 mais l’idée est surtout de tordre des stéréotypes pour amener quelque chose de frais: le 13 est associé au vendredi, nous le prenons à l’envers, comme un nouveau départ, alors que les gens n’aiment généralement pas trop le lundi. Le nom est en français, pour marquer notre ancrage régional. Nous ne voulions pas jouer les multinationales ou prendre un titre anglais pour faire branché. Enfin, l’absence de jargon photographique laisse la porte ouverte à toutes les pratiques.