On se souvient de l’ovni comme si c’était hier: une commode pas possible, constituée de tiroirs dépareillés maintenu solidement ensemble par une sangle. Le collectif responsable de cet objet punk qui se voulait une métaphore de la mémoire, s’appelait Droog. Il venait des Pays-Bas où les avant-gardes du XXe siècle – emmenées par le peintre Piet Mondrian et l’architecte Gerrit Rietveld – affichaient un modernisme efficace mais pas franchement poilant.

En 1993, à la foire internationale du meuble de Milan, Droog et son meuble de traviole faisaient le show. Et remettaient de l’envie dans l’univers compassé du design contemporain d’alors. Le nouveau souffle du design venait désormais du Nord, mais pas de Scandinavie.

Les magazines et les chasseurs de style prenaient le vent. On s’arrachait cette nouvelle génération de créateurs tous formée à la Design Academy d’Eindhoven. Jurgen Bey, Marcel Wanders, Maarten Baas, Hella Jongerius, Richard Hutten ou encore Piet Hein Eek et Bertjan Pot, imposent leurs codes décomplexés et drôles.

Codes bourgeois détournés

Les Pays-Bas avaient connu l’Age d’or de la peinture néerlandaise avec ses portraits corporatistes géants, ses scènes d’intérieurs intimes et ses natures mortes luxuriantes. Au passage des années 2000, ils entrent dans celui de l’objet néobaroque qui revisite l’histoire en maniant l’ironie. Maarten Baas se fait un nom en carbonisant des chaises de style, Jurgen Bey en jouant sur l’esthétique du design de récupération et Hella Jongerius en travaillant avec les couleurs. Marcel Wanders, lui, détourne les codes bourgeois et se met en scène quitte à assumer un goût du bling pas toujours très bon. La Dutch Touch est adulée et copiée.

Le calme après l’orgie

En 2016, son influence reste toujours vivante et visible. Mais les temps ont changé, la crise est passée par là et le design a retrouvé le calme après l’orgie. A Genève, du 3 au 25 septembre, une exposition et des colloques explorent cette production néerlandaise, celle d’hier mais aussi d’aujourd’hui avec la participation de Joris Laarman, représentant de cette nouvelle garde davantage concernée par les technologies.

En la collaboration de la HEAD-Genève et de l’ECAL de Lausanne, les acteurs de la Dutch Touch s’entretiendront avec des professeurs invités dans le cadre, certes éloigné du centre-ville, mais idyllique du Château de Penthes. On y parlera d’objet, mais aussi de photographie avec un volet artistique qu’accompagne l’accrochage des travaux d’Hendrik Kerstens (en conférence le 23 septembre). La Hollande, l’autre pays du design.