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L’exposition Terra Nostra interroge la notion de territoire. Une dizaine de projets soulèvent une réflexion intelligente

Territoire. «Etendue de la surface terrestre sur laquelle vit un groupe humain», explique Robert. Superficie «dont un individu ou une famille d’animaux se réserve l’usage», «Espace relativement bien délimité que quelqu’un s’attribue et sur lequel il veut garder toute son autorité», ajoute Larousse. Les définitions varient légèrement, mais il est question de frontières et de prédominance. A Bienne, le Photoforum PasquArt a convoqué une exposition autour de ce thème: «Terra Nostra». Dix propositions artistiques et un projet d’archives suscitent des réflexions diverses et foisonnantes.
Beaucoup s’attachent au sens géographique du territoire. Stefan Meier, ainsi, ouvre le bal avec des dizaines d’images prises entre Zurich et Lausanne. Un trajet banal, mais que le Biennois a parcouru à pied là où tout le monde prend le train, la voiture, voire l’avion. A coups de vidéos, de photographies et de commentaires publiés sur un blog et sur Twitter en 2011, le trentenaire met le spectateur au pas et donne à voir ce que seule la lenteur autorise. Le détail d’une façade, un jouet dans un jardin, la forme que dessinent les feuilles sur un chemin. Le plat du jour sur une terrasse ou le contentement d’un escargot; «Considérant qu’il n’a pas de visage, il a l’air plutôt heureux», constate Stefan Meier un jour de printemps.
Dans le même ordre d’idée, le Belge Pierre-Philippe Hofmann a entrepris de sillonner à pied le territoire suisse, selon huit lignes droites partant de la frontière et ralliant le centre géographique du pays: Älggi Alp, dans le canton d’Obwald. Cinq voies, essentiellement tracées le long des chemins pédestres, ont pour l’instant été suivies. A Bienne, cinq écrans retranscrivent la progression simultanée du promeneur à travers le pays, par des centaines de plans fixes. «Cela forme une musique captivante, estime Daniel Mueller, directeur du Photoforum. Il se passe à la fois beaucoup et très peu de choses; c’est une nouvelle façon de percevoir l’espace.»
L’enjeu du mitage du sol et du grignotage des villes sur les campagnes est abordé à travers les clichés – plutôt mornes – de Georg Aerni, Michael Blaser, Rudolf Steiner ou encore ceux du grand projet d’archivage de la commune de Schlieren, dans la banlieue zurichoise.
D’autres ont travaillé une notion plus symbolique du territoire. L’Américain Jon Naiman, établi à Bienne, fait poser des animaux de ferme dans le feutré des salons et des salles à manger de leurs propriétaires. Un cochon sur le sofa, un âne derrière la table familiale et une chevrette au milieu d’un séjour débordant de bibelots renversent les notions d’intérieur et d’extérieur, interrogent les limites des domaines de l’homme et de la bête.
Anne Golaz extrait les objets du quotidien agricole pour les photographier en studio, tels des œuvres d’art. La Lausannoise Loan Nguyen, elle, photographie des ébats amoureux au milieu des bois. La nature dans la nature, et pourtant, cela choque un peu. Les Bâlois Ursula Sprecher et Andi Cortellini ( LT du 2 février 2013), enfin, mettent en scène les membres de diverses sociétés de loisirs, sur leurs aires de jeux. Scouts planqués dans les feuillus, plongeurs plantés au milieu d’une piscine vide, fumeurs de pipe masqués par un écran de fumée. L’exercice, plus ou moins efficace selon son degré d’humour et d’absurdité, se répète une dizaine de fois.
«L’enquête photographique globale, où les photographes s’intéressent aux processus de transformation de l’espace et aux pratiques concernant le territoire, s’oriente désormais davantage vers des aspects spécifiques, estime Daniel Mueller. A titre d’exemple, on peut encore citer le travail Kampagne de Nicolas Savary et Tilo Steireif qui proposent une lecture politique du territoire ou celui de Rudolf Steiner, qui offre une vision métaphorique à travers les stands de tir.» Des territoires, et des manières de les voir.
Terra Nostra, Photoforum PasquArt, à Bienne, jusqu’au 7 avril. www.photoforumpasquart.ch
Dix propositions artistiques et un projet d’archives suscitent des réflexions diverses et foisonnantes