Genève au temps des calèches… et d’une photographe oubliée
Culture Canapé
En cette période de confinement, «Le Temps» propose chaque jour une (re)découverte culturelle. Aujourd’hui, plongez dans la Genève de la Belle Epoque à travers les yeux de Valentine Mallet, photographe dont le fascinant travail de mémoire est exposé en virtuel par la Bibliothèque de Genève

Alors que le présent semble suspendu et l’avenir incertain, l’envie de replonger dans nos souvenirs nous titille – partager de vieilles photos de famille est même devenu un défi viral sur les réseaux sociaux. Logique: en ces temps de pandémie, le passé est souvent un refuge rassurant, parfois éclairant… voire tout bonnement fascinant, dans le cas de celui que ravive actuellement la Bibliothèque de Genève (BGE).
La machine à remonter le temps? Un accrochage dédié à Valentine Mallet, initialement proposé au sein du bâtiment des Bastions et récemment transposé en intégralité sur le web. Ce nom ne vous dit sans doute rien et pourtant: photographe de talent, cette native de Lancy a immortalisé, au début du XXe siècle, la Genève de la Belle Epoque.
Dans les décombres
Ici, c’est une calèche qui traverse la rue du Rhône vers 1906. Là, sur la rue du Marché, des marchandes de légumes affairées sur leurs paniers en osier. Sur une page du blog de la BGE, on fait défiler les clichés en noir et blanc accompagnés de légendes détaillées, témoins d’un autre temps – et d’une ville en pleine mutation. Car s’ils permettent aux Romands du XXIe siècle de s’adonner au jeu jouissif de l’avant-après, les images de Valentine Mallet documentent surtout un moment charnière pour la ville, qui connaît alors un nombre important de restructurations et d’élargissements.
De cet ouvrier dans les décombres rue de la Rôtisserie au cortège de l’Escalade défilant devant une façade éborgnée rue de Coutance, la photographe capture ces pierres condamnées, ces entre-deux urbains… mais aussi la vie qui continue de s’y greffer, malgré tout. «Elle s’intéressait aussi aux métiers de la ville ancienne, qui allaient bientôt disparaître», explique Nicolas Schätti, conservateur responsable des collections de la BGE, dans une courte vidéo. On rencontre en effet des lavandières et des bouchers en plein air, leurs carcasses éventrées sur le quai des Moulins.
Reconnaissance timide
Les scènes sont vivantes et les compositions soignées: photographe amateure, Valentine Mallet figurait tout de même parmi les premiers membres féminins de la Société genevoise de photographie. Mais sans surprise, la reconnaissance est restée timide et son nom, tombé dans l’oubli (certaines de ses photos se sont même vues attribuées à un confrère, Marius Rey).
Menée par l’historienne de l’art Sarah Merlini, cet accrochage, bien que très simple dans ses apparats virtuels, contribue donc à offrir à un travail de mémoire la visibilité qu’il mérite. Et nous invite à laisser notre esprit confiné, en chapeau melon ou jupe longue, vagabonder dans la Genève d’autrefois.