Dans la première salle de la galerie D10 ArtSpace, à Genève, 12 voix murmurent. Parmi elles, celle de Vera Meisels. Cette rescapée de l’Holocauste décrit, dans une courte vidéo, la clairière où sa famille s’est réfugiée pour échapper au nazisme. Chaque jour, la petite fille se cachait à l’intérieur d’un trou creusé dans la terre et soulevait discrètement la bâche pour apercevoir les flocons au-dehors. Les détails de ce souvenir, le peintre israélien Amir Shefet les a traduits visuellement sur une toile intitulée Fleurs.

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Cette œuvre fait partie de l’exposition Days Beyond Times – Artists Meet Testimony («des jours au-delà du temps – des artistes à la rencontre du témoignage»), créée par Maya et Gal Rave et élaborée par Beit Theresienstadt Israel, le centre historique du ghetto de Theresienstadt, où ont été emprisonnés des intellectuels et artistes juifs dès novembre 1941.

Pour le devoir de mémoire

Douze jeunes artistes israéliens ont rencontré 12 survivants de la Shoah. Chacun a recueilli un témoignage et l’a transformé, à partir d’un élément clé du récit, en une œuvre d’art. Dessins, peintures, collage de papiers peints, sculptures, danse et musique donnent à ces témoignages une nouvelle présence. Les œuvres se font caisse de résonance de récits de guerre, ainsi rendus accessibles aux nouvelles générations. Un geste pour lutter contre la disparition.

«Je dis toujours aux gens que, pour moi, Theresienstadt est beaucoup le Mal mais aussi beaucoup le Bien. Beaucoup d’amis, beaucoup d’art et beaucoup d’efforts afin de rester humain», confie Hanka Drori, l’une des survivantes, dans une autre vidéo. Tous et toutes décrivent le ghetto comme un lieu singulier, où la vie culturelle se mêlait à la mort.

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Dans le couloir noir séparant les témoignages vidéo des œuvres sont exposés des duplicatas de dessins réalisés à Theresienstadt entre 1942 et 1944. La vieillesse, la maladie, les pendaisons, les files d’attente pour la nourriture, les charrettes à cadavres et les convois sont représentés à l’encre ou au pinceau sur des papiers et des cartons. Des scènes de vie au cœur de la terreur. C’est la première fois que cette exposition, vernie fin janvier à l’occasion de la Journée internationale en souvenir des victimes de l’Holocauste, est présentée hors d’Israël.


Days Beyond Times – Artists Meet Testimony, D10 ArtSpace, Genève, jusqu’au 20 février.