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Koller, une affaire de famille

Retour, à l’occasion de son soixantième anniversaire, sur les clés du succès de cette maison zurichoise de ventes aux enchères, numéro 1 sur le marché helvétique

Kees Van Dongen, «Rouge et jaune (L’Egyptienne)» (détail), huile sur toile, 100 x 73 cm, 1910-11. Estimée entre 1 et 2 millions de francs, la toile est la pièce maîtresse des ventes du mois de juin de la maison Koller Auctions. — © Koller Auctions
Kees Van Dongen, «Rouge et jaune (L’Egyptienne)» (détail), huile sur toile, 100 x 73 cm, 1910-11. Estimée entre 1 et 2 millions de francs, la toile est la pièce maîtresse des ventes du mois de juin de la maison Koller Auctions. — © Koller Auctions

Soixante ans après sa fondation, la maison de ventes Koller est toujours aux mains de la même famille. Cyril Koller, jeune quinquagénaire, a pris en 1998 les commandes de l’entreprise fondée par son père trente ans auparavant. Quant à la troisième génération, incarnée par trois des filles de l’actuel patron, elle a fait son entrée, à son tour, au siège zurichois de Koller Auctions, sur la Hardturmstrasse.

Plus discrète que les multinationales Christie’s et Sotheby’s, Koller a su tracer son sillon, devenant en l’espace de quelques décennies le numéro 1 en Suisse des ventes aux enchères, et la deuxième maison germanophone derrière l’autrichienne Dorotheum. Elle a pris l’ascendant sur des sociétés plus anciennes, comme les galeries Kornfeld, implantée depuis 1919 à Berne, et Stuker, née il y a près de quatre-vingts ans dans la capitale.

Souplesse et réactivité

Forte de 70 salariés, cette maison de ventes généraliste réalise aujourd’hui, bon an mal an, entre 70 et 100 millions de francs de chiffre d’affaires pour une soixantaine de ventes, contre 30 millions il y a vingt ans. Ses points forts: sa souplesse et sa réactivité, reposant sur la proximité avec ses clients et sur ses experts maison, placés à la tête de ses seize départements.

«Quatre-vingt pour cent des objets que nous vendons sont issus du marché suisse. Ils proviennent de toute la Suisse, de Saint-Gall à Genève, de Bâle à Coire», souligne Cyril Himmer, directeur de Koller pour la Suisse romande. En revanche, pour les objets au-dessus d’une certaine valeur, ajoute-t-il, les pièces proviennent, à parité, à 50% de Suisse et 50% de l’étranger.

© DR
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La maison obtient ses produits de vente les plus élevés en art moderne – de fortes enchères ont été obtenues pour des œuvres de Renoir et de Signac – et en art suisse, secteur dans lequel elle s’est hissée au rang de leader mondial. Elle détient plusieurs records mondiaux pour Albert Anker (7,4 millions de francs pour Leçon de gymnastique à Ins, 1879) et Giovanni Giacometti (4,04 millions pour Panorama de Flims, 1904) notamment. Réalisant une part importante de son chiffre d’affaires sur le segment supérieur du marché (entre 100 000 francs et plusieurs millions), Koller vend 80% des objets qui lui sont confiés à l’international, à des collectionneurs et acheteurs étrangers.

De Genève à Beijing

Cette internationalisation du marché tient sans doute aux expositions itinérantes organisées, avant les ventes de prestige, à Paris, Munich, Düsseldorf, Hongkong et Beijing. Mais aussi au fait que la maison suisse a rejoint en 1998 International Auctioneers, une association internationale comportant neuf maisons de ventes implantées dans huit pays.

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«Dans les années 1990, Pierre Koller soutenait que, lorsqu’on détenait un objet exceptionnel, on n’avait pratiquement pas à en faire la promotion. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Même si on met en vente une pièce de très haut niveau, il faut le faire savoir, communiquer avec nos collectionneurs, sans cesse rappeler à vos clients que vous existez, et réaliser des expositions pour trouver de nouveaux collectionneurs», poursuit Cyril Himmer.

Pour être en phase avec l’air du temps et renouveler sa clientèle, Koller va lancer, en fin d’année, des ventes d’objets d’arts qui seront réalisées entièrement en ligne après avoir exposé ces pièces à Genève et à Zurich. Pour titiller les collectionneurs en herbe, la maison de ventes, qui fait feu de tout bois, est déjà «présente sur Facebook, Instagram et d’autres réseaux sociaux», sourit Karl Green, le directeur du marketing.

Somptueuses ventes de juin

Rouge et jaune (L’Egyptienne), feu d’artifice de couleurs jaunes-orangées, exécutée en 1910-1911 par Kees Van Dongen et estimée entre 1 et 2 millions de francs, est une des pièces phares des ventes aux enchères de prestige organisées à Zurich, du 23 au 30 juin, par Koller. Cette Egyptienne, comme deux autres œuvres du peintre néerlandais (Danseuse, une huile sur papier estimée entre 120 000 et 180 000 francs, et Portrait de femme, de 250 000 à 350 000 francs), appartient à une collection privée romande de peintres fauves et expressionnistes, qui sera dispersée le 29 juin.

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On remarquera également deux sculptures d’Ernst Ludwig Kirchner, dont une fonte en bronze réalisée d’après un relief en bois de 1919 à deux côtés figurant, l’une, une Danse entre femmes, et l’autre, la Montée de l’alpage à Stafelalp (250 000-450 000 francs). Ces œuvres du meilleur pedigree ont appartenu à Lise Gujer, une amie intime de l’artiste. La vedette de la vente d’art suisse du 29 juin est une émouvante Lectrice, à la mode fauve, exécutée en 1912 par Giovanni Giacometti (250 000-350 000 francs) qui voisinera avec un Portrait de fille de 1862 d’Albert Anker (200 000-300 000 francs).

Picasso et Vasarely

A noter, dans la vente «Postwar & Contemporary» du 30 juin, deux sculptures en métal cylindrique coloré de John Chamberlain, dont Kiss #18 (250 000-350 000 francs) et un bronze coloré de Tony Cragg de 2017 (90-150 000 francs). Tout aussi séduisante, mais plus vibrante, Western Pagodas est une tempera sur carton, peinte dans des nuances de rose, réalisée par Mark Tobey en 1953 (150 000-250 000 francs). Au programme également, une lithographie de Picasso de 1958 figurant une Femme au corsage à fleurs (70 000-90 000 francs), une grande acrylique sur toile de Victor Vasarely (Kezdi-Domb, 90 000-160 000 francs) et un petit Andy Warhol (Clockwork Panda Drummer, 80 000-140 000 francs). E. T.

Chronologie

1958 Pierre Koller ouvre sa première galerie à Zurich, sur la Dufourstrasse.

1960 Première vente aux enchères.

1977 Création de la succursale Koller Tiefenbrunnen pour les objets les plus courants.

1980 Ouverture d’une succursale à Genève, où sont organisées deux ventes par an.

1990 L’entreprise déménage à la Hardturmstrasse.

1998 Cyril Koller prend les commandes de la maison.

2006 Première vente entièrement dédiée à l’art suisse.

2008 Ouverture d’un bureau de représentation à Düsseldorf. Beijing suivra trois ans plus tard.

2013 Vente de la collection Corboud: un paysage de Vincent Van Gogh de 1887 est adjugé 6,6 millions de francs.

2016 Première vente entièrement consacrée aux montres.

2018 60e anniversaire.