L’exposition «Fragile», pour montrer l’humain derrière la précarité genevoise
Un jour, une idée
Il y a une histoire épaisse derrière chaque personne: en exposant de grands portraits, Pierre Alain Balmer veut rappeler à tous que la précarité se décline en de multiples visages

Ces visages posent un regard frontal sur vous. De leurs traits marqués par les épreuves de la vie se dégage une certaine sérénité. Les clichés, réalisés en 2018 à Genève, sont l’œuvre de Pierre-Alain Balmer, photographe autodidacte. Il est parti à la rencontre d’habitants de la cité où magasins de luxe et vies précaires se côtoient naturellement.
Immortalisés par de grands portraits en noir et blanc, ses modèles ont perdu pied après un licenciement, une maladie, un décès, du harcèlement scolaire. Tous ont en commun d’avoir «été exclus de la société, explique Pierre-Alain Balmer. J’ai vu dans la rue, dans les transports en commun, une précarité s’installer. J’ai voulu inscrire des histoires, des noms, des parcours de vie derrière les marginaux, trop souvent anonymes et inexistants aux yeux des autres.»
Le puzzle des histoires de vie
Le Genevois s’engage alors au sein de l’association Le Caré, qui propose un accueil, des activités, des repas. Petit à petit, des liens de confiance se tissent avec certains bénéficiaires, comme Stéphanie, qui accepte d’être photographiée. La première fois que cette mère de famille a fait face à son portrait, l’émotion l’a envahie. «Ce projet m’a aidée à reprendre confiance en moi, je me vois exister, raconte-t-elle. Nous sommes des personnes comme tout le monde, derrière chaque visage il y a une histoire.»
Mais le parcours artistique a été semé de doutes. Pierre-Alain Balmer a questionné sa démarche, s’est demandé si sa position n’était pas voyeuriste. Ce sont les échanges avec celles et ceux qui ont accepté de passer devant son objectif qui l’ont finalement convaincu de poursuivre. Derrière son appareil, il devient témoin d’un «courage magnifique».
Pour reconstituer le puzzle des histoires de vie, Pierre-Alain Balmer a photographié des objets qui rattachent chaque personne à un souvenir marquant, comme «une poupée pour une femme qui arrive orpheline en Suisse à l’âge de 2 ans, ou un briquet reçu d’un amour perdu», écrit-il dans le livre qui accompagne une exposition visible au Sécheron. «Ces objets les accompagnent au cours de leur existence. Comme Olivier, qui emportait partout son harmonica, compagnon de moments de solitude.»
«Fragile», exposition photographique de Pierre-Alain Balmer, Espace de quartier Sécheron, rue Anne-Torcapel 2, Genève, tél. 022 418 93 60, jusqu’au 18 décembre. Retrouvez tous les articles de la rubrique «Un jour, une idée».