Des sculptures installées dans l’un des plus beaux parcs de Genève, et c’est la nature qui rencontre la culture. Cette promenade artistique, c’est la promesse de Sculpture Garden, première biennale du genre organisée à Genève, et qui prend ses quartiers d’été dans le parc des Eaux-Vives. Alors oui, le concept ressemble à Zurich in The City, mais en moins urbain et en plus bucolique. Quand une idée est bonne, autant s’en inspirer.

Cette grande manifestation en plein air, Thomas Hug, directeur du salon Artgenève l’avait depuis longtemps en tête. «J’imaginais une exposition pour le plaisir des promeneurs genevois et des touristes, qui fasse rayonner l’offre culturelle dans la région pendant l’été. Il était aussi très important que dans sa réalisation, elle soit conçue pour attirer un nouveau public, plus jeune, vers l’art contemporain.» Pour réussir son pari, Thomas Hug avance quelques solides arguments. Outre les quatorze œuvres exposées et les quatre performances programmées pendant cette biennale totalement gratuite, il rappelle que le parc des Eaux-Vives est l’un des plus beaux de la ville.

«Et deux mardis par mois, nous organisons des afterworks dans le restaurant du parc», continue le directeur qui inaugure son jardin de sculptures le 8 juin, soit quelques jours avant Art Basel, la grand-messe de l’art contemporain. «Bien sûr qu’on aimerait capter les visiteurs sur le chemin de la foire. Cela dit, même si Sculpture Garden est une émanation d’Artgenève, elle n’a aucune vocation commerciale. Les œuvres installées viennent de collections institutionnelles ou privées et ne sont pas à vendre. Il y a également quelques pièces que nous avons spécialement produites pour l’occasion grâce à la générosité de nos mécènes.»

Ménager les surprises

C’est le cas du champignon géant de l’artiste allemand Carsten Höller, l’une des treize sculptures que Lionel Bovier a inscrites dans son casting. «Les œuvres sont de deux types, explique le directeur du Mamco, curateur de cette première biennale dont il est également l’un des trois membres à siéger au comité d’organisation. Celles qui sont intégrées dans un parcours naturel, comme la sculpture d’Alexander Calder dont le titre, Le soleil sur la montagne, évoquent l’idée du paysage, ou les arbres moulés par le Zurichois Ugo Rondinone. Et celles qui sont de l’ordre de la construction humaine.» Comme la coque en acier et béton de l’Américain Oscar Tuazon que le promeneur découvre en pénétrant dans le parc depuis le lac.

«Ici, on se trouve dans un espace paysagé. Il y a un jardin alpin et les arbres sont tous d’essence différente. Le parcours a ainsi été pensé pour créer certaines surprises», relève Lionel Bovier. Ce qui fait qu’au détour d’un virage, le visiteur tombe nez à nez avec une soucoupe volante de Sylvie Fleury.

Plantées au milieu d’une clairière, les longues tiges en acier de Takis se repèrent de loin. Elles appartiennent au Mamco qui ne les a pratiquement jamais montrées. «La dernière fois que les gens les ont vues, c’était en 1983 aux Bastions, raconte Lionel Bovier. Avec sept mètres de haut, elles dépassent largement le plafond du musée. L’exposition est aussi l’occasion de présenter ce type de pièces de notre collection aux Genevois», insiste le curateur qui ne signera pas d’autres éditions. «Le commissariat sera tournant, reprend Thomas Hug. On a monté Sculpture Garden en une année. On aura plus de temps pour développer et affiner le concept. Il faudrait, par exemple, réussir à augmenter le nombre d’œuvres produites pour l’exposition.»

Rêve d’enfant

Au sujet du partenariat public-privé, le projet est déjà bien ficelé. Lionel Bovier a fédéré le maximum d’institutions culturelles pour soutenir et participer à la manifestation: la ville, le canton, les deux fonds d’art contemporain (le cantonal et le municipal), la Haute Ecole d’art et de design, le service des espaces verts et même le corps des pompiers, chargé de sécuriser la performance de Roman Signer qui ouvrira l’exposition. L'Appenzellois a fait de la projection en tous genres sa marque de fabrique esthétique. Si la météo le permet, le plus explosif des artistes suisses a prévu d’expulser dans les airs une voile rouge carrée de huit mètres de côté par la force du Jet d’eau. Le monument est sacré. Il a donc fallu obtenir un nombre incalculable d’autorisations pour le mettre à la disposition de l’art.

«Car comme dans toutes les actions de Roman Signer, le résultat n’est jamais garanti. Il est impossible de savoir comment la toile va réagir, de quel côté elle va partir, explique Manuella Denogent, du Fonds cantonal d’art contemporain qui a géré le happening. Les essais que nous avons effectués sur une maquette avec le laboratoire d’aérodynamique de l’Hepia ont été très concluants. Roman Signer a toujours espéré utiliser un jour le Jet d’eau pour envoyer en l’air un ballon ou autre chose. Pour lui, c’est un rêve d’enfant qui se concrétise.» On aimerait dire: le rêve de tout le monde.


«Sculpture Garden», du 8 juin au 8 septembre, vernissage le 8 juin dès 18h, Parc des Eaux-Vives, Genève, Artgeneve.ch.