Un jour, une idée
Le Musée suisse de l’appareil photographique de Vevey consacre une exposition à Rodolphe Archibald Reiss, Allemand naturalisé suisse qui révolutionnait au début du XXe siècle les techniques de photographie criminelle

Dans tout drame policier qui se respecte, il y a cette scène où des agents en combis blanches mitraillent la scène de crime. Sans savoir qu'ils doivent tout à Rodolphe Archibald Reiss (1875-1929). Au début du XXème siècle, cet Allemand expatrié en Suisse comptait parmi les photographes criminels les plus réputés au monde et fondait à Lausanne, en 1909, la première école de police scientifique au monde – future École des sciences criminelles (ESC) de l’UNIL. Un personnage fascinant auquel le Musée suisse de l'appareil photographique de Vevey, en collaboration avec l'ESC, dédie une exposition.
Derrière son allure de dandy fumant cigare sur cigare, il y a un cerveau redoutable: c'est pour étudier la chimie que Reiss s'installe à 18 ans au bord du Léman. Un œil aiguisé aussi, qui se passionne pour la photographie judiciaire. Dès lors, il mettra son expertise au service de la vérité.
Lire aussi: Sur les traces de Rodolphe Archibald Reiss
«Son but était de fournir les meilleurs documents visuels possibles à une instruction», explique Luc Debraine, directeur du musée. En développant des techniques de prise de vue ultra-précises pour immortaliser les preuves. Plus que ses clichés, c'est avant tout son matériel que présente l'exposition, dont ce trépied permettant de photographier les corps par le haut, sans les toucher.
L'arme du crime
On a le souffle coupé en découvrant celui de Mme Seewer, veuve assassinée dans son appartement lausannois en 1912. Une photo d'une qualité saisissante pris par Reiss lui-même. Qui, en étudiant les traces de sang notamment, réussira à établir la séquence des coups. Ah oui: vous trouverez à côté l'arme du crime, une hachette...et le crâne âbimé de la pauvre Mme Seewer.
Photographe, Reiss est aussi enquêteur. «Il écume les mauvais quartiers de Lausanne avec les policiers, passe des nuits entières à observer les malfrats et acquiert une connaissance hors norme du milieu du crime», précise Luc Debraine. Une expertise qui lui permettra de résoudre de grandes affaires, comme cette arnaque aux faux billets français sur lesquels il capte d'infimes défauts.
Reiss s'attache à «rendre visible l'invisible», conclut Luc Debraine – qu'il s'agisse de traces de poudre noire ou d'empreintes digitales. Une photographie de haute précision, domptant la lumière et les filtres, qui révolutionne le milieu – durablement. La deuxième partie de l'exposition se penche justement sur les outils actuels de la police scientifique, comme autant d'héritiers des méthodes du Germano-suisse. Le visiteur peut même tester certaines de ces machines – mais n'est pas Rodolphe Archibald Reiss qui veut...
«Sur les traces de Reiss», Musée suisse de l’appareil photographique de Vevey, jusqu'au 20 août.