Les études neuroscientifiques l’ont prouvé: écouter de la musique active de multiples zones du cerveau, auditives mais aussi motrices et… visuelles. Un son convoque des souvenirs, des couleurs, des images – votre Hotel California a probablement une porte et un toit, La Foule d’Edith Piaf quelques visages. Des impressions parfois si vivaces qu’on pourrait les dessiner: c’est justement le jeu auquel se sont prêtées, aux Docks de Lausanne, quatre jeunes artistes suisses.

Elles ont la vingtaine, se sont rencontrées à la Haute Ecole d’art de Berne en communication visuelle et forment ensemble le collectif Fiasko. Graphistes et illustratrices, elles ont réalisé ensemble une galerie d’une trentaine d’affiches (format A2, comme pour les concerts), directement inspirées d’autant de chansons.

On doit l’idée à la Romande du groupe, Lucie Gremaud. En novembre dernier, entre deux projets, la Fribourgeoise se met à illustrer des morceaux sur son compte Instagram. Dont El Jardin, mélopée à la guitare du duo suisse Hermano Gutierrez, représentée en flore luxuriante et fantasmagorique. Une initiative qui donnera lieu, quelques mois plus tard, à l’exposition participative Ton titre ici.

De Dire Straits à Eurythmics

Car chacun a pu soumettre, à la suite d'un appel sur les réseaux sociaux des Docks, ses suggestions de titres. Parmi les propositions, 32 ont été attribuées au hasard à l’une ou l’autre des artistes – musique de niche ou populaire, créations locales ou tubes internationaux. Pour traduire les notes en traits, à chacune sa technique. «J’ai écouté les morceaux en boucle sur Spotify et à chaque fois, d’autres images me venaient, explique Lucie Gremaud. L’idée était de faire ressortir le mood de la musique. Ça a aussi beaucoup à voir avec notre vécu.» Fabienne Grossen, de son côté, s’est davantage inspirée «de passages clés des paroles».

Sur papier, le mélancolique Nica Libres at Dusk, du songwriter Ben Howard, s’incarne ainsi par des lèvres entrouvertes, un livre et des cigarettes, récit haché comme une BD sans cases. Ailleurs, c’est le flot de mots du duo fribourgeois Baron.e, dans son single Créature, qui a inspiré à Léonie Jucker une volute aux airs d’amanite tue-mouches sous acide. Pour Sultans of Swing, Mischa Hurdes a représenté les Dire Straits en rockstars façon Mozart, nobles figures sur fond de partition.

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Il y a aussi un Wonderwall d’Oasis formidablement minimaliste ou Sweet Dreams (Are Made of This), le carton d’Eurythmics, tout en douces lunes. «Derrière son côté techno et festif, cette chanson est hyper poétique», sourit Lucie Gremaud. Présentées à l’étage de la salle de concerts lausannoise, au niveau du bar, les affiches s’accompagnent de codes QR à scanner pour écouter en contemplant. Pour un voyage multisensoriel – et des débats entre l’apéro et le concert.

Ton titre ici, aux Docks, avenue de Sévelin 34, Lausanne, jusqu’au 28 avril, lu-ve 13h-18h et soirs de concerts. Retrouvez tous les articles de la rubrique «Un jour, une idée».