Accessoire de la honte
Mais trop de banane tue la banane. En dix ans, la petite sacoche passe de la hype à l’accessoire de la honte. Oubliée au début du XXIe siècle, elle ressurgit à partir de 2010. Symbole des années 1980-1990, elle ravive des souvenirs d’avant internet, le téléphone portable et les réseaux sociaux, cette époque où on sortait anéanti de la projection d’E.T. sans crever de chaud sous la canicule. Paradigme de ces objets hideux venus du passé, le petit sac va exalter les créateurs contemporains pour qui «moche is beautiful». Sans forcément s’accrocher autour de la taille, il se porte désormais en bandoulière collée au torse (on dit «crossbody») ou le long du corps à la façon du holster de l’inspecteur Harry.
Cela dit, ce n’est pas seulement la nostalgie et la vogue du «ridicool» qui fait en ce moment revenir la banane à plein régime. A l’heure où la survie de l’être urbain se limite à trois objets – son mobile, ses cartes de paiement et ses lunettes de soleil –, il faut lui reconnaître un indéniable aspect pratique. Et une faculté de seoir aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Comme les jeunes raffolent du vieux, pas une marque ne loupe le coche. De l’équipementier pour sports de l’extrême (The North Face) aux maisons de luxe (Gucci, Balenciaga, Chanel, Louis Vuitton) en passant par les designers indépendants (la Suissesse Tina Schwizgebel-Wang) et les labels qui travaillent les nouvelles matières organiques (QWSTION), chacun y va de son modèle. Cela dit, pour une question de style, le port de la banane façon cartouchière n’est pas forcément recommandé au-delà de 35 ans
Quatre notions
Bandoulière
Ce n’est pas parce que la banane est de retour qu’il faut répéter les erreurs du passé. La position ventrale lui ayant été fatale, elle se porte désormais à la cool en bandoulière, ou «crossbody», dans la langue de Boris Johnson.
Origine
S’il n’y a pas vraiment d’inventeur de la banane, le terme «fanny pack» qui la désigne aux Etats-Unis (traduisez sac fesses) est apparu pour la première fois en 1954 dans la revue Sports Illustrated. L’accessoire, ainsi baptisé parce qu’il se porte dans le dos, appartient alors à la panoplie des skieurs.
Moche
La banane, c’est l’objet laid par excellence, le petit sac sympa mais sans esthétique. Réhabilitée à la fois par la vogue nostalgique des années 1980-1990, l’influence du sportswear dans la mode et son design très pratique, elle est aujourd’hui un objet hautement désirable. Et un énorme carton commercial.
Légende urbaine
Relayée jusque dans les colonnes du New York Times, l’histoire voudrait que ce soit une Australienne, Melba Stone, qui ait inventé le concept de banane en 1962 en observant… des kangourous. Sauf que Melba, à part porter le prénom d’un dessert, personne ne la connaît, pas même Google.
Nos plus vifs remerciements à la designer Tina Schwizgebel-Wang.