Spectacle
A La Bâtie, le sabbat sidérant de Laurence Yadi
La danseuse franco-suisse offre avec «Today» un solo électrique, à ne pas manquer ce jeudi et vendredi à Genève
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Alexandre Demidoff
Publié jeudi 7 septembre 2017 à 14:50,
modifié jeudi 7 septembre 2017 à 14:59.
Please, des supplémentaires. La danseuse Laurence Yadi fugue en solitaire sur la petite scène du Théâtre du Grütli à Genève. Et on voudrait que son sortilège se prolonge au-delà de ce vendredi – dernière date dans le cadre de La Bâtie. Son Today – qu’elle cosigne avec son compagnon, le danseur et chorégraphe Nicolas Cantillon – chaloupe en noir en blanc dans des contrées secrètes, austère et envoûtant comme la prière d’une bienheureuse en sa chartreuse.
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Le démon du rythme
Elle vous attend, donc, sur le plateau vide, flanqué de part et d’autre de grosses enceintes. Laurence Yadi ne vous attend pas en vérité. Paupières closes, habits sombres, cheveu pensif, petit corps de page, pieds enracinés, elle est ailleurs. Mais voici que tout s’ébranle, andante, comme si la danseuse s’éveillait à une force élémentaire, comme si elle s’ouvrait à la cabale des esprits, comme si elle devenait, à elle seule, un sabbat minéral.
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Rien de tape à l’œil, oh! que non, ce n’est pas le genre de la maison. A l’enseigne de la Compagnie 72-73 (leurs années de naissance), les Franco-Genevois Laurence Yadi et Nicolas Cantillon aspirent depuis une dizaine d’années à la continuité d’un mouvement qui serait comme la rivière, inexorable et purifiant, capricieux en apparence comme l’arabesque, élémentaire en réalité. L’esprit ici prend corps. Ou disons plutôt que le corps est un esprit: il se fluidifie à mesure que le geste le libère.
Le rififi des clochettes
Abstrait? Voyez comment ça se passe. Sur place, Laurence Yadi ondule, du bassin d’abord. Puis la vibration se propage, dans un bras, dans une main, tandis que sonnent des cloches. Bientôt, c’est le rififi des clochettes. Tout tintinnabule chez cette Salomé en exil, le buste et le bas-ventre. Et c’est alors une pavane, un premier cercle, avant la possession. Car bientôt Laurence Yadi subira, des oreilles aux orteils, l’empire de calebasses, d’un archet discordant, de sonnailles anarchiques – une composition de Maurice Louca.
La force de ce Today, c’est son animalité raisonnée, son élégance ascétique, l’oubli de soi comme unique zénith. Laurence Yadi revient à présent à la lumière, comme le scaphandrier. Aux saluts, elle paraît stupéfaite. Les abysses font ça, à ce qu’il paraît. Sa nuit est plus belle que le jour.
«Today», Genève, Théâtre du Grütli, je à 17h, ve à 21h. Rens. https://www.batie.ch