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Les beaux orages du Théâtre de l’Orangerie

Friedrich Dürrenmatt, Molière, Yasmina Reza, Racine ont rendez-vous cet été au Parc La Grange à Genève. Le maître des lieux, Valentin Rossier, dévoile ses perles

Le Théâtre de l’Orangerie à Genève offre dès le 21 juin de multiples délices, pas seulement théâtrales.
Le Théâtre de l’Orangerie à Genève offre dès le 21 juin de multiples délices, pas seulement théâtrales.

La colère d’Alceste fouette. Elle fait du bien et permet de lancer en beauté une saison. Au Théâtre de l’Orangerie, cet écrin logé au Parc La Grange à Genève, l’acteur José Lillo décline, mercredi, ses intentions à propos du Misanthrope qu’il présentera dès le 26 juillet. Il a des mots qui lui ressemblent, aigus, sombres, mélancoliques et on se dit qu’il fera un bel Alceste. Mais il explose soudain. Sa cible? L’auteur et comédien français Stanislas Nordey, qui jouait en avril Je suis Fassbinder de Falk Richter à Vidy. Dans un entretien récent sur France Culture, il déclare qu’il faudrait interdire le patrimoine au théâtre. C’est ce parti pris qui fâche José Lillo: «Notre art, martèle-t-il, c’est de parler du présent, ça peut passer par un auteur contemporain, mais aussi par Sophocle.»

Cet éclat vaut comme bande-son d’une saison qui promet de beaux orages, dès le 22 juin et jusqu’au 1er octobre. C’est qu’il vaudra la peine de s’aventurer dans la maison de verre pour y entendre parfois clapoter le ciel, pour y découvrir surtout les perles de Valentin Rossier, qui règne sur cette scène, en matou madré, depuis 2012. Face à la presse, il parle comme on musarde, devant le bar qui servira de décor à son nouveau spectacle, La Panne, le roman de Friedrich Dürrenmatt qu’il a décidé d’adapter – première, le 21 juin.

Le canapé de Yasmina Reza

La Panne, vous l’avez peut-être lue à l’école. Elle emprunte à Kafka et au pessimisme de l’après-guerre. Le très ordinaire Alfredo Traps tombe en panne. Il est recueilli par des magistrats à la retraite qui, par jeu, instruiront bientôt son procès. Sur la sellette, quatre acteurs magnifiques, Christian Gregori, Gilles Tschudi, Armen Godel et Valentin Rossier lui-même. Autre ivresse, Je me mets au milieu mais laissez-moi dormir. Dorian Rossel transpose à la scène le fameux film de Jean Eustache, La maman et la putain. L’amour s’y détricote à trois et ça marque.

La foudre, elle, tombera sur les deux couples réunis par l’auteur Yasmina Reza dans Le dieu du carnage. Les protagonistes bataillent sur un divan. La joute sera réglée par Georges Guerreiro et jouée notamment par Marie Druc et Valentin Rossier. Des fruits plus doux à présent. Ceux du clown et musicien Vincent Aubert qui rêvera sur La boîte à joujoux de Claude Debussy – pour les enfants, mais pas seulement. Ceux aussi du metteur en scène Didier Nkebereza. Il y a deux saisons, il montait avec délicatesse Iphigénie en Tauride portée par l’actrice Camille Giacobino. Cette même interprète sera sa Bérénice. «Plus je monte de pièces, plus j’ai envie de disparaître derrière les auteurs.»

L’esprit du jeu règne à l’Orangerie, ce lieu que le comédien Richard Vachoux ressuscitait en 1981 – une exposition retracera sa légende. On y devient papillon au gré des concerts qui s’y donnent. On y croise Alceste au bistrot. Les nuits y sont souvent plus belles que les jours.

rens.www.theatreorangerie.ch