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Bellerive éteint sa musique

Le récital de Brigitte Fournier clôt le 11e festival genevois.

Le récital de la soprano Brigitte Fournier et de son complice, le pianiste Gérard Wyss, a constitué, ce dimanche, l'acte conclusif du festival de Bellerive. Au lendemain de la fermeture des portes, le bilan que dresse l'organisatrice de la manifestation genevoise, Lesley de Senger, a une valeur double. Il y a d'une part de la satisfaction: celle de constater que le nombre de spectateurs présents à la ferme de Saint-Maurice est resté stable. Il y a aussi celle, moins reluisante, liée à un programme que cette 11e édition a voulu davantage tourné vers la musique contemporaine, avec notamment des pièces de Poulenc, de Guillaume Connesson ou encore de Philippe Hersant. La recette ne semble pas avoir été du goût du public, parce que «trop indigeste pour la saison», soutient Lesley de Senger. Le futur verra ainsi le retour d'un répertoire davantage romantique.

Cette absence de prise de risques a par ailleurs caractérisé le concert de clôture, avec des œuvres qui ratissaient sur un large éventail: du répertoire classique aux compositions des impressionnistes français. La musique radieuse et extravertie de «Piercing Eyes», chanson tirée du recueil Second Set of 6 original Canzonettas de Haydn, est éclairée par la voix légère et agile de Brigitte Fournier, dont le brillant se révèle dans ce chef-d'œuvre qu'est «O Tuneful Voice» du même compositeur. Ici, le chant d'un adieu amoureux est empreint d'une expression vocale très théâtrale. Une passerelle thématique idéale aux lieder qui suivent.

On passe ainsi aux pièces de Schubert («Viola», «Suleika I et II») et de Richard Strauss (Mädchenblumen op. 22), et avec elles, arrivent les premières déceptions. Car si Brigitte Fournier possède une technique époustouflante qui permet à sa voix de traverser la gamme sans difficultés apparentes, son registre expressif reste quasi immuable durant tout le concert. Ainsi, «Suleika I», que Brahms qualifiait de «plus beau lied du monde», ne laisse aucune trace à la hauteur de la beauté de cette musique imprégnée de sensualité. Et il en sera de même avec les quatre poèmes de Felix Dahn, que Richard Strauss a mis en partition en magnifiant cet éloge littéraire aux jeunes filles. Alors on s'accroche au jeu tout en délicatesse et en profondeur de Gérard Wyss, qui maîtrise comme peu de pianistes les arcanes de l'accompagnement.

Brigitte Fournier est enfin au cœur du sujet après l'entracte, avec les très belles 5 Mélodies populaires grecques de Maurice Ravel et surtout trois mélodies de Rachmaninov, dont l'allégresse des «Eaux printanières» sort de la torpeur et souligne les regrets.