«A Bigger Bang». Son nom le suggère, c'est le concert des superlatifs. Et des questions en suspens. Mais peut-il en être autrement lorsque les Rolling Stones foulent la scène? Samedi prochain, l'aérodrome militaire de Dübendorf, non loin de Zurich, accueillera les quatre rockers sexagénaires pour un unique show. Sans doute pour le plus grand concert Open air sur un soir jamais organisé en Suisse. Quelque 68000 fans sont attendus avec un brassage de générations comme peu sont capables d'en provoquer.

Parmi les questions en suspens, celle de leur présence semble résolue: plus de souci, du côté des organisateurs, quant à la condition physique des rois du rock. Avec ou sans alcool, ils sont en forme; leur récente apparition à Paris l'a prouvé. En Europe depuis le 11 juillet (Milan), les rockers sexagénaires se sont produits au Stade de France vendredi dernier où ils ont évoqué avec humour l'accident de Keith Richards, tombé d'un cocotier fidjien en avril. La tournée avait dû être repoussée. Du coup, l'autre as de la guitare, Ronnie Wood, a pu soigner son penchant pour la bouteille.

Pour ce rendez-vous helvétique, le onzième de la tournée européenne, un chantier mammouth est installé à Dübendorf depuis près de quinze jours. A une semaine de l'événement, les tribunes étaient montées et l'équipe s'attelait à la construction de la scène de 62 mètres sur 28 que fouleront Mick Jagger et ses acolytes. En tout quelque 350 personnes auront travaillé pour préparer le show des stars. Et les chiffres donnent le tournis. On a prévu 50 stands à nourriture ou boissons, installé sept kilomètres de balisage et assuré le confort de 400 WC. Enfin, le soir de l'événement, 1200 collaborateurs veilleront notamment à la sécurité des lieux.

Si c'est le plus grand, c'est aussi le plus secret des concerts. Du côté de Good News, agence organisatrice et habituée des Rolling Stones, on distille les informations au compte-gouttes. D'accord pour parler des chiffres en lien avec le matériel, par contre les coûts et les revenus restent tabous. Du moins dans les détails. Récemment, elle laissait entendre qu'elle comptait sur un léger bénéfice avec un revenu d'une voire plusieurs dizaines de millions.

De même rien, ou alors très peu filtre concernant les caprices de stars. «Sauf ce que chacun sait», relativise le porte-parole Dano Tamasy. Soit notamment que les papys du rock se déplacent avec leur cuisine, leurs meubles et leur table de billard depuis le début de leur tournée. Mercredi, on ne se prononçait pas encore sur leur date d'arrivée sur sol helvétique. De même on préférait taire l'heure exacte de leur apparition sur scène pour éviter une razzia de fans vingt minutes avant leur tour de chant. Conclusion: les portes ouvriront à midi, le premier avant-concert débutera à 17 heures et la soirée devrait se terminer vers 22 h 30.

Les billets sont sur le marché depuis le 25 février et malgré des prix qui frisent aussi les superlatifs (de 150 francs debout à 318 francs pour les places assises abritées), les amateurs se sont rués. Mercredi, 4000 places étaient encore à disposition dans les points de vente. «Les artistes sont les gagnants et non l'organisateur», confiait récemment au Tages-Anzeiger André Béchir, grand chef de Good News. «A l'heure où les copies de disques sur Internet se multiplient, les musiciens comptent sur leurs apparitions en live pour remplir leurs caisses.»

Quoi qu'il en soit, les quatre compères ont peu de souci à se faire. Cette tournée 2006, marquée par une apparition à Shanghai en avril, a déjà rapporté 147 millions de dollars, selon le magazine musical Billboard. De plus, une enquête récente du quotidien allemand Die Welt a conclu que les Rolling Stones, aidés de comptables astucieux et de sociétés offshore, n'auraient payé que 1,6% d'impôts sur leurs revenus durant les derniers vingt ans. Soit 7,2 millions sur 450 millions de dollars.

Depuis leur première apparition sur le continent européen, la presse, à Milan comme à Paris, a relevé les problèmes de voix de Mick Jagger, certaines plumes le soupçonnant même de play-back. Lundi, Le Monde a parlé de cette tournée comme d'un «mélange de filouterie managériale et de séduction». Toujours est-il qu'on vient devant la scène - fans éperdus ou critiques sarcastiques - les écouter avec dévotion. Pour, comme l'a souligné le quotidien français, y vivre aussi les miracles de la splendeur retrouvée. Même s'ils ne durent qu'une quinzaine de minutes.