C’est quoi le blues? De la mousse sous les pieds, des timbres craquelés, des histoires surtout qui ont le mérite d’avoir fondé un pays. Pour la troisième fois, Blues Rules est un festival, assis dans les terres humides du château de Crissier, qui s’offre entier aux mythologies américaines et à l’esprit des embouchures. Les 26 et 27 mai, flambée sudiste à deux pas de chez vous.

Les fondateurs, Thomas Lécuyer et Vincent Delsupexhe, ont choisi le blues du delta, ce proto-blues des profondeurs pour leur manifestation vaudoise. Ce n’est pas un hasard. Depuis quelques années, avec l’intérêt de Martin Scorsese ou des frères Coen pour les antichambres du son américain, se diffuse aux Etats-Unis une forme de nostalgie des origines qui passe immanquablement par les figures héroïques du delta du Mississippi.

Une référence

Blues Rules, cette année, fait venir des presque inconnus et des vedettes obscures, des guitaristes pour lesquels certains se damneraient et que la plupart ignorent. En trois éditions, Blues Rules est devenu une référence, non seulement en Suisse mais en Europe, en matière de conteurs-gratteurs et de destins tragiques sur lit d’accords bleutés. Il faudra s’arranger pour ne pas manquer, dimanche 27, un petit gars du Tennessee, légende précoce révélée par Wim Wenders dans la série de documentaires blues produite par Martin Scorsese. Il s’appelle Keith B. Brown, il joue avec un esprit de conquête des vieilleries baroques, le récit d’amours tordues et de noyades sans fond. Il est brillant.

Par ailleurs, dans le désordre, on pourra les yeux fermés écouter les mémoires écossaises de Noirs louisianais dans le Rising Star Fife & Drum Band; mais aussi Possessed By Paul James, le projet du Texan Konrad, une espèce de balade à cactus dans les souvenirs d’un père pasteur dont la main gauche affichait glorieusement deux pouces.

On ira dans la foulée se frotter à l’harmonica grisé d’Adam Gussow, aux lagunes ruminées des Finlandais Ataturk Band. Ou aux sermons du révérend John Wilkins, dont les cantiques ont le goût des mélancolies urbaines. Bref, il faut faire confiance à Blues Rules pour asseoir encore, cette année, son excellente réputation.

Blues Rules Crissier Festival, Jardins du Château de Crissier, 26 et 27 mai, www.blues-rules.com