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Brillants duels avec Etienne Daho

Le chanteur, en concert ce samedi à Bulle, revisité sur disque.

Les compilations-hommages évitent rarement l'écueil révérencieux. Dans le cas de Tombés pour Daho, l'exercice est pourtant diablement convaincant. Faussement sages mais au plus près du corps des chansons pop, les 15 relectures proposées par Benjamin Biolay, Daniel Darc & Frédéric Lo, Jean-François Cœn, Doriand, Sébastien Tellier, Jacno, Olivier Libaux & JP Nataf ou Elli Medeiros apportent leur lot de satisfactions mélodiques et rythmiques.

Même le célébré Etienne Daho, habile repriseur lui aussi (du Velvet Underground à Gainsbourg via le Pink Floyd de l'ère Syd Barrett), se déclare ravi. Et de le graver blanc sur noir dans une brève notice de pochette introductive: «Je redécouvre mes chansons, enfants chéries familières, mais autres, ailleurs, neuves. Je suis bluffé par la créativité et l'effort que suppose l'exercice de la réappropriation, mais aussi fier et touché d'être réinterprété par des artistes pour lesquels j'ai autant de respect artistique que d'affection.»

Il est vrai que l'élégance pop de Daho, par ailleurs à l'affiche ce samedi soir des 10e Francomanias de Bulle pour présenter en première suisse l'intimisme inédit de son dernier album L'Invitation, se trouve paradoxalement relustrée encore. Au fil de ce Tombés pour Daho qui débute logiquement par «Tombé pour la France» (1985), l'un des tubes retentissants jalonnant un quart de siècle d'états d'âme chantés, affleurent de véritables partis pris esthétiques. Un mérite qui échoit évidemment aux artistes réunis à l'initiative du journaliste musical français Franck Vergeade (du mensuel Magic).

Une grande famille à l'appel

Qu'ils ralentissent les tempos, dénaturent les atmosphères musicales originales en les envenimant ou en les suspendant, chacun des participants a le mérite d'offrir un point de vue tranché sur «son Daho». Les œuvres retenues, courant de 1985 à 2005, balisent une trajectoire qui a autant murmuré le noir désarroi que le feu de la passion, des désillusions fatales que les obsessions destructrices et les errances. Même la version sirupeuse et biseautée très libre que Sébastien Tellier réalise des «Heures indoues» trouve grâce ici. Idem pour le casse-gueule «Epaule Tattoo» offert en tandem par Olivier Libaux & JP Nataf qui semble à la fois si proche et si loin. Une simple basse métronomique suffisant à apporter un supplément d'âme. Et que dire de la magnificence déambulatoire de «Paris le Flore», entre désincarnation et transcendance, dans la bouche d'Avril si ce n'est que c'est le climax d'un disque qui baigne le plus souvent dans une électro-pop tantôt aérienne tantôt détraquée.

Au générique aussi, c'est la grande famille Daho que l'on croise. Dont Elli (Medeiros) et Jacno, ex-Stinky Toys dont Daho a jadis organisé un concert à Rennes. Un Jacno qui sera d'ailleurs le producteur de Mythomane, première pierre discographique de Daho en 1981. Et que ce dernier produira à son tour treize ans plus tard. Figure à l'appel encore l'historique complice musicien et chanteur Arnold Turboust. Un casting brillant bien qu'il manque Dani, Brigitte Fontaine ou Françoise Hardy.

CD: Tombés pour Daho (Disques Office); Etienne Daho en concert: Bulle, sa 3 mai, 20h, salle CO2. Avec Bazbaz et Julien Victor. Rens.www.francomanias.ch