«Bruce Springsteen est un visionnaire»
questions à
Nils Lofgren , guitariste du E Street Band
Avant le concert genevois de Bruce Springsteen, Nils Lofgren évoque le «Boss», avec lequel il tourne depuis 1984.
Le Temps: Au fil de la tournée de Bruce Springsteen, il semble que ce qui la caractérise le mieux, c’est le sentiment d’une grande liberté, d’un maître à l’apogée de son art…
Nils Lofgren: C’est cela exactement. On ne sait jamais combien de temps on va jouer, ni même quelle chanson va succéder à une autre. Nous pouvons jouer trois ou quatre heures, selon l’humeur du «Boss». Il aime l’improvisation. Il est capable de transformer radicalement l’arrangement d’un morceau en direct. Nous devons être toujours à l’affût. Parce que la moindre inattention ne pardonne pas. J’ai une trentaine de guitares prêtes, selon les circonstances, pour être paré à tout virage à sec.
– Avant lui, vous avez accompagné un autre chansonnier brillant, Neil Young. En quoi diffèrent-ils?
– Je vois bien plus de similarités que de différences. Ils sont deux de nos plus éminents songwriters. Ils sont capables de mettre une salle sur le ventre, de faire passer du rire aux larmes, ils sont des visionnaires qui jettent un regard impitoyable sur notre monde et le transmettent au plus grand nombre. C’est rare. Il y a quelques jours, je suis allé écouter Neil Young à Londres, j’étais bouleversé. Bob Dylan est un des seuls qui soient à leur niveau. D’ailleurs, l’autre jour, Bruce a repris «Blowin’in the Wind». Il était seul sur sa guitare. Il passait d’un morceau à l’autre sans s’arrêter, sans avoir rien prévu et il a rendu cet hommage à Bob. C’était incroyablement émouvant.
– L’œuvre de Bruce Springsteen concentre une grande partie de l’expérience américaine. Comment le public européen réagit-il à ces concerts?
– Quelque chose me frappe en premier lieu: le nombre impressionnant de très jeunes gens qui viennent pour découvrir ce répertoire et cet artiste. C’est bien plus évident en Europe. Les jeunes aiment passionnément Bruce, ici. Parfois, nous nous retrouvons face à des salles qui ne connaissent pas bien ses chansons, comme ça a été le cas au Portugal. Nous avions l’impression d’être un jeune groupe qui devait gagner chaque centimètre du parterre. Ça a été dur. Mais nous avons fait le job. Nous étions épuisés, mais finalement Bruce est arrivé à les conquérir.
– Vous avez rejoint le E Street Band en 1984, quelques mois après la sortie de «Born in the USA», cela devait être un moment clé pour rejoindre cette aventure…
– C’était fou. Au fil de la tournée, sa popularité grandissait. Il y avait des files gigantesques devant les salles et les stades. Je dirige aussi mon propre groupe et je peux dire que chaque artiste vit pour ce moment-là, celui où des chansons font corps avec le public. Bruce était calme. Il n’a pas réagi dans l’excès. On continuait après les concerts de causer politique comme si de rien n’était. A titre personnel, il m’a fallu beaucoup de courage pour vivre pleinement l’expérience d’un stade. Mais aujourd’hui, c’est mon quotidien. Je suis reconnaissant.
Bruce Springsteen en concert. Me 3 juillet, 19h. Stade de Genève. Rés. Ticketcorner, FNAC ou à l’entrée du stade.