Montage vidéo
Incendies de Notre-Dame et en Amazonie, «acqua alta» à Venise… Pour la cinquième année consécutive, l’artiste biennois Cee-Roo condense des extraits vidéo d’événements qui ont fait l’actualité pour créer une bande-son au rythme effréné

Dans le flot incessant et bouillonnant de l’actualité, il y a des images qu’on n’oublie pas. Celles qui, lorsqu’on les regarde de nouveau, nous donnent immédiatement la chair de poule. La place Saint-Marc à Venise sous les eaux en novembre, les fumées noires flottant au-dessus de la forêt amazonienne en juillet ou encore la flèche de Notre-Dame s’écroulant de l’édifice emblématique de Paris en avril en font partie.
Comme une piqûre de rappel, Cee-Roo condense en moins de trois minutes ces extraits vidéo qui ont marqué l’année 2019. L’artiste biennois, tout juste trentenaire, n’en est pas à son coup d’essai. En 2015, il lance le concept de «World Music» en tant que réalisateur pour la RTS. Appelé par les deux Vincent (Kucholl et Veillon), il rejoint l’équipe de 26 minutes puis celle de 120 minutes. Chaque mois, son style s’affine alors que les images choisies pour sa séquence s’entrechoquent pour former une bande-son au rythme effréné.
Du bruit à la mélodie
Pipe au bec et bonnet à pompon vissé sur la tête, Cee-Roo semble tout droit sorti d’un monde parallèle lorsque Le Temps le rencontre au Farel Bistro, lieu à la décoration minimaliste dans le centre de Bienne. Ce personnage farfelu, Cyril Käppeli (son double à l’état civil) le façonne depuis l’âge de 18 ans, notamment avec deux albums (Memories en 2012, River en 2017) où il se met en scène avec une forte dose d’autodérision.
Mais avec le concept de «World Music», Cee-Roo est en retrait, n’apparaissant jamais dans ces courtes vidéos au montage vif, dynamique et percutant. «Je compose une mélodie à partir de sonorités que tout oppose, résume-t-il en sirotant un cappuccino. Mon but est de créer une harmonie pour véhiculer des émotions fortes.» Le haka néozélandais, des feux d’artifice ou le bruit des mitraillettes sont ainsi utilisés pour donner du rythme à l’ensemble.
Digérer l’enchaînement d’images
Certaines images mises côte à côte peuvent perturber, passant du discours de Greta Thunberg à l’ONU et son célèbre «nous ne vous pardonnerons jamais» à un défilé militaire au Soudan. Cee-Roo l’assume parfaitement: «L’absence de contextualisation donne cette osmose totale. C’est une démarche volontaire d’aller très vite pour zapper des images. C’est un aperçu, il faut que ça heurte.»
En ce sens, l’artiste biennois cherche à nous interpeller en mettant le monde dans un grand saladier pour mieux le remuer. «Il y a des pétitions et des actes de terrain qui sont nécessaires. Ma force, c’est de dégager des émotions qui vont, je l’espère, réveiller certaines consciences.»
Un engagement qui s’est transformé en spectacle au printemps dernier. Projeté dans six cinémas romands, son World Music Live était à mi-chemin entre un ciné-concert et une pièce de théâtre. L’occasion d’y ajouter les mimiques de son personnage et d’explorer les différentes facettes de l’être humain. «Pour 2020, j’ai envie de faire évoluer ce spectacle en proposant une version 2.0.» Tel est le monde vu et entendu par Cee-Roo.