Max Raabe ou Joshua Bell? Le cœur tangue en ce premier août. Car c'est un casse-tête, certains soirs, lorsque le Verbier Festival affiche simultanément deux concerts alléchants. Tranchons dans le vif: Max Raabe pour le parfum de la découverte. Le baryton allemand ressuscite une époque perdue, celle du cabaret berlinois et des musiques de films des années folles.

Il faut l'avoir vu entrer sur scène avec ses douze musiciens du Palast Orchester. Les cheveux gominés, les visages rasés au millimètre près, impeccables dans leurs smokings, le chanteur et ses complices (clarinettes, saxos, batterie...) déroulent un numéro parfaitement rodé. Sur un ton compassé, le gentleman interpelle le public avec des «r» on ne plus germaniques, lâche des gags pour introduire des tubes bientôt centenaires. Il va jusqu'à invoquer la théorie de Darwin pour faire le lien avec «Mein Gorilla»: «L'homme descend du singe. C'est embarrassant... pour le singe.» De Weill à Friedrich Holländer, en passant par «Singing in the Rain», le cabaret berlinois et les comédies musicales des années folles sont bien là. Mais le chant policé, cette voix fine et subtile, manquent d'aspérité. De grinçant, surtout. Max Raabe est piégé par son humour pince-sans-rire.

Joshua Bell à deux pas de là? Bravons l'interdit. Courons à l'Eglise pour entendre sa Sonate «A Kreutzer». Une fois entré, l'émotion nous saisit à la gorge. Car c'est un artiste complètement investi qui s'exprime sur scène. La tête renversée, perlant de sueur, le violoniste américain joue avec ses tripes. Cette sauvagerie mêlée de grâce tranche avec l'attitude détachée de Max Raabe. Son jeu - pas toujours parfait - respire le danger. Et c'est bien là, dans cette moiteur de foule qui serre les rangs, que l'émotion coule à flots en ce premier août.