Trois jours de musiques pour célébrer trois décennies d’un activisme sonore qui a débuté le 7 décembre 1985. Et a depuis vécu 6500 nuits de concerts et 4000 Dj’s sets, vu défiler près de 2000 musiciens et quelque 800’000 spectateurs. Si le Chat Noir, café-concert de Carouge, a marqué au fer rouge les nuits genevoises, il figure aussi en bonne place sur la cartographie des clubs internationaux réputés grâce à ses affiches jazz et chanson. Archie Shepp, Bill Evans, Camille ou Bénabar y ont notamment écrit de belles pages, comme aime à le rappeler Roland Le Blévennec, cofondateur du lieu né sur les cendres campagnardes des Granges-Malval, sises au bord de l’Allondon. Avec ses complices Pierre-Edmond et Alain Gilliand, l’épouse de ce dernier, Catherine, Le Blévennec contribue à faire du Chat Noir un temple des musiques dites actuelles.

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La plus grande satisfaction de celui qui programme aussi le festival Voix de Fête? «Malgré la petite économie de la débrouille qu’est le Chat Noir, c’est d’avoir contribué au développement de la scène locale et régionale, à la révélation de quantité d’artistes, plus particulièrement dans la chanson où notre petite salle en sous-sol a constitué la première scène suisse de Renan Luce, Pauline Croze, Bénabar ou Camille». Financièrement fragile, renfloué par ses patrons et salariés à plusieurs reprises, cette enseigne hybride où la moitié des bénéfices du café alimentent les caisses de l’Association de soutien à la musique vivante (ASVM, créée en 1994) programmant les concerts se retrouve en 2015 à un tournant de son histoire déjà mouvementée.

Une nouvelle génération en prend en effet en mains le destin. Une passation de pouvoir hautement symbolique puisque le nouveau quartet dirigeant est entre autres composé de Nathaniel Gilliand (bar et restauration), fils d’Alain et filleul de Roland, et de son meilleur ami Guillaume Noyé (coprogrammation et responsabilité de l’ASMV avec Priscille Alber). «Ce binôme passionné m’évoque évidemment celui qu’on formait Alain et moi voilà trente ans. Ils sont partis pour réaliser les mêmes compromis et trouver cet équilibre savant entre le zinc et les concerts!», commente tendrement Le Blévennec.

Le jubilé du Chat Noir prend donc la forme d’un passage de relais. Mais surtout les traits d’un week-end de fête intergénérationnel retraçant trois décennies de pulsations polymorphes où jazz, chanson, pop, rock, hip-hop ou electro côtoieront expositions photos intra et extra-muros, ainsi que des ateliers musicaux et quelques surprises.

Une rétrospective passant notamment par l’emblématique formation genevoise Le Beau Lac de Bâle, dont l’épopée est intimement liée au Chat Noir, rappelle Roland Le Blévennec: «Ils étaient venus en résidence hebdomadaire en 1987 en déclarant que ce serait sans doute leurs derniers concerts, alors que de notre côté nous traversions une période difficile financièrement et leur avions rétorqué que nous aussi… Une telle énergie avait imprégné la semaine que tout le monde s’était décidé à continuer! Depuis, le BLB s’y est produit cinquante fois. Ce sera leur 51e concert en trente ans.» Et le Chat Noir de repartir de plus belle pour un tour.

Les 30 ans du Chat Noir, du 3 au 5 décembre. Rés. www.chatnoir.ch (places limitées)