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Chemin de croix

Sous des airs de souffrance, un élan émouvant.

Pas question de s'afficher en impotent. Pas par coquetterie, mais parce que le concert aurait un air «pro infirmis» en désaccord avec l'attente du public, pour qui Peterson symbolise l'éternelle jeunesse d'un jazz ivre de notes et d'exploits techniques.

L'exploit, ce jeudi 7 juillet sur la scène de Jazz à Vienne (Isère), c'est d'abord d'atteindre le piano. Seul: sans homme de main à la Ray Charles, sans canne à la Basie, sans fauteuil roulant à la Grappelli (sinon pour le rappel, quand tout aura été consommé).

Musicalement, les premières salves sont hésitantes: pauvre main gauche pathétiquement, quasi-décorativement affalée sur le clavier! Un chemin de croix? Soit, mais avec

résurrection à la clé. Parce que dans «croix» on entend, vive l'étymologie-fiction, «croire». Et que Peterson croit dur comme swing à ce qu'il était. Alors commence, de «Cakewalk» en «Satin Doll», une toujours plus jubilatoire reconquête. Sous le vieil homme usé s'insinue un inattendu jeune premier: un transfiguré, pour rester dans le registre christique.

Cette métamorphose est bien autre chose que l'adaptation

résignée à l'âge et à la maladie: le visage (peut-être) ultime du «petersonisme». Débarrassé de l'omnipesant Martin Drew, le pianiste trouve en Alvin Queen un batteur capable de redimensionner son espace rythmique. Une émouvante leçon de créativité autant qu'un nouveau souffle pour l'histoire du jazz. Qui, elle, retient le sien.