Musicalement, les premières salves sont hésitantes: pauvre main gauche pathétiquement, quasi-décorativement affalée sur le clavier! Un chemin de croix? Soit, mais avec
résurrection à la clé. Parce que dans «croix» on entend, vive l'étymologie-fiction, «croire». Et que Peterson croit dur comme swing à ce qu'il était. Alors commence, de «Cakewalk» en «Satin Doll», une toujours plus jubilatoire reconquête. Sous le vieil homme usé s'insinue un inattendu jeune premier: un transfiguré, pour rester dans le registre christique.
Cette métamorphose est bien autre chose que l'adaptation
résignée à l'âge et à la maladie: le visage (peut-être) ultime du «petersonisme». Débarrassé de l'omnipesant Martin Drew, le pianiste trouve en Alvin Queen un batteur capable de redimensionner son espace rythmique. Une émouvante leçon de créativité autant qu'un nouveau souffle pour l'histoire du jazz. Qui, elle, retient le sien.