Comme Eastwood quelques mois plus tôt avec le chef-d'œuvre Mystic River qui abordait ce même sujet sous l'angle de la victime (jouée par Tim Robbins), la cinéaste aborde de front la question de la pédophilie. En plus d'un courage fou, elle réussit à ne jamais se défausser, à éviter surtout la rédemption de Walter en pratiquant un cinéma de courte focale, empathique, pas très éloigné, stylistiquement, de Das Fraülein, le joli film de la Suissesse Andrea Staka.
Surtout, comme Eastwood, Nicole Kassell s'appuie sur un comédien d'exception pour donner corps au sujet le plus délicat qui soit: Kevin Bacon. Coïncidence: il jouait aussi dans Mystic River, le rôle d'un flic ami de Tim Robbins. Un Bacon également coproducteur de The Woodsman qui trace, intense et discret, son chemin dans la jungle des acteurs hollywoodiens depuis sa révélation en 1983 dans un film musical, dérivé masculin de Flashdance, quiaurait pu le briser d'emblée: Footloose.
Faute de supplément sur ce DVD, on peut se repasser le film pour regarder Kevin Bacon, uniquement lui. Il est de chaque plan, brisé, des tonnes de culpabilité sur les épaules, les yeux aux aguets comme une bête traquée, l'insensible mouvement de tête désapprobateur quand il se surprend à observer une fillette. Avec son corps sec, son nom (bacon = lard) et son visage impossible (nez en trompette, cheveux droits de blondinet, mini-yeux, pommettes hautes, sourire forcé et menton proéminent), il a rarement tiré le jackpot commercial hormis avec un Apollo 13, mais personne n'a tourné autant que lui (60 films en un quart de siècle). Rencontré à Cannes lors de la présentation de Mystic River, il nous avait confié: «Le star-system ne m'intéresse pas: depuis que j'ai des enfants (en 1989 et 1992), je me soucie surtout de leur bonheur. Je travaille pour eux.» D'où, sans doute, le choix courageux de The Woodsman.