La chute du populisme viennois
Scandale
Le chancelier conservateur Sebastian Kurz a annoncé samedi la convocation d’élections législatives anticipées suite à la démission du vice-chancelier Heinz-Christian Strache. La conséquence d’un scandale provoqué par la diffusion d’une vidéo accablante pour ce dernier

«C’était stupide, irresponsable, c’était une erreur.» Les larmes aux yeux, Heinz-Christian Strache, désormais ex-chef du FPÖ, le parti d’extrême droite autrichien, s’excuse devant la presse, présente sa démission du poste de vice-chancelier et annonce également renoncer à ses fonctions au sein du parti. Il tire ainsi les conséquences de la publication d’une vidéo accablante pour lui par deux journaux allemands, Der Spiegel et Süddeutsche Zeitung.
La vidéo date de juillet 2017, soit trois mois avant les élections législatives qui porteront les conservateurs et l’extrême droite au pouvoir, et a été tournée en caméra cachée dans une villa de luxe sur l’île espagnole d’Ibiza.
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On y voit Heinz-Christian Strache accompagné de Johann Gudenus, l’un de ses proches au sein du FPÖ, s’entretenir avec une femme que les deux hommes pensent être la nièce d’un oligarque russe. C’est en réalité un leurre destiné à piéger le chef du FPÖ, selon les deux journaux à l’origine de la publication de la vidéo. Heinz-Christian Strache discute avec cette femme d’un investissement conséquent dans le Kronen Zeitung, le tabloïd le plus lu du pays, afin de lui donner une orientation plus favorable au parti, à quelques semaines des élections législatives. En échange, il lui promet l’attribution de marchés publics s’il parvient au pouvoir. Heinz-Christian Strache explique également à son interlocutrice comment financer son parti via une association afin de contourner le contrôle de la Cour des comptes.
Le scandale de trop pour le chancelier conservateur Sebastian Kurz, qui a annoncé la convocation prochaine d’élections législatives anticipées: «Genug ist genug!», «assez c’est assez», a martelé le chef de l’ÖVP, actant ainsi la fin de cette coalition qui n’aura été au pouvoir qu’un an et demi.
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«Un attentat politique ciblé»
Si Heinz-Christian Strache a regretté publiquement son comportement, il s’est aussi présenté comme la victime d’un «attentat politique ciblé», dénonçant une vidéo filmée illégalement. L’ex-chef du FPÖ a ainsi déclaré qu’il pourrait entreprendre une action en justice.
Reste que cette publication est dévastatrice pour l’image du parti et met clairement en lumière le peu de scrupules du FPÖ à entretenir des liens troubles avec la Russie. Heinz-Christian Strache est d’ailleurs décrit comme l’un des artisans du rapprochement entre les nationalistes européens et Moscou. Sous sa direction, le FPÖ a notamment signé en 2016 un accord de coopération avec Russie unie, le parti de Vladimir Poutine.
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Un nouveau chef de parti
La démission d’Heinz-Christian Strache va laisser des traces au sein du parti. A la tête du FPÖ depuis 2005, il avait permis à l’extrême droite de se relever après l’expérience, désastreuse pour le parti, de la première coalition avec les conservateurs en 2000. Pendant ces quatorze années, il s’est attaché à lisser l’image du FPÖ et a construit sa réputation d’homme politique proche du peuple, opposé aux «élites». Un travail de longue haleine ébranlé en l’espace d’un week-end.
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C’est désormais Norbert Hofer, actuel ministre des Transports et ancien candidat du FPÖ à l’élection présidentielle de 2016, qui reprend pour le moment la tête du parti. S’il conserve cette responsabilité, il aura la lourde tâche de mener le FPÖ vers de nouvelles élections législatives. Dans une vidéo postée sur son compte Facebook, le nouveau chef du FPÖ tente de mobiliser les sympathisants du parti: «Mes chers amis, je ferai tout pour que le FPÖ reste un parti fort peu importe que ce soit dans le gouvernement ou dans l’opposition car on peut, à ces deux niveaux, influencer positivement la politique en Autriche», avant de conclure: «Je vous demande de me soutenir.»
Mais sa mission s’avère compliquée. De nombreux électeurs du FPÖ pourraient être tentés à l’avenir de s’abstenir, voire de changer de camp et voter pour le parti conservateur qui, sous la direction de Sebastian Kurz, a adopté une ligne proche de celle de l’extrême droite sur les questions migratoires mais se tient éloigné de ces scandales. Les élections européennes dimanche prochain seront, en ce sens, un premier test pour le FPÖ.