Chrigu, c'est le surnom de Christian Ziörjen. Un beau jeune homme, élevé dans une ferme jurassienne par des parents modestes, un peu babas cool. Chrigu aime filmer, tout et n'importe quoi, ses voyages comme ses soirées avec ses potes. D'ailleurs, Christian est le cameraman d'un groupe de hip-hop alémanique, Mundartisten, qui signe également la bande originale du film.

Et puis un jour, à 24 ans, on lui diagnostique une tumeur dans la nuque. Avec son meilleur ami Jan Gassmann, Christian décide alors de faire un film sur lui-même, sur sa chimiothérapie. Ou, plutôt, de réaliser un documentaire sur sa lutte contre la maladie, un film sur la vie plutôt que sur la mort.

Des images brutes

La caméra est à l'épaule, ou plutôt au poing, elle est approximative, jeune, amatrice. Elle use de gros plans, se moque de la lumière, des expositions, des contrechamps. Jan Gassmann, réalisateur improvisé, met du temps à trouver ses marques. Il tâtonne, se demande s'il assume de filmer un malade, son ami. Grâce à une pudeur impromptue, Gassmann échappe par bonheur au voyeurisme. Une fois le cadre défini - et accepté -, le jeune vidéaste fonce tête baissée dans son magnifique témoignage d'amitié, ce qui évite in fine au film de devenir une simple vidéo de famille.

Si son format et sa facture finale le destinent plus à une diffusion télévisée que cinématographique, Chrigu n'en constitue pas moins une émouvante ode à la vie. Christian se sait condamné, il lutte, se fâche avec sa mère, reproche le manque d'émotion à un de ses amis, se filme en pleine réflexion sur une société ultra-consumériste, rit de sa main déformée par la cortisone, avoue vouloir se suicider en cas de rechute, mais ne le fait pas lorsque la tumeur repart de plus belle.

Ce n'est pas à la déchéance d'un jeune homme que l'on assiste, mais au regard qu'il porte sur la vie. Une vie courte, brutale, mais qu'il faut savoir savourer avant qu'il ne soit trop tard. Dur.

Chrigu, documentaire de et avec Jan Gassmann et Christian Ziörjen (Suisse, 2008). 1h17.