Typique «film de festival», primé à Berlin, Lake Tahoe confirme le renouveau du cinéma mexicain annoncé par l'apparition d'auteurs de la trempe d'Alejandro González Iñárritu (Amours chiennes, Babel) et Pedro Reygadas (Japón, Lumière silencieuse). Mais Lake Tahoe creuse encore un tout autre sillon: celui d'un certain minimalisme tendre et ironique, qu'on pourrait plutôt rapprocher de Jim Jarmusch ou d'Otar Iosseliani.
Patience récompensée
Pas sûr que le grand public s'y retrouve, tant le film se construit tranquillement, presque imperceptiblement. La mise en scène prend la pose, avec ses longs plans fixes cadrés large, entrecoupés de plages noires (ellipses ou éclipses?). L'ennui guette. Mais au contraire de Temporada dos patos (2004), premier film du cinéaste dont la dérisoire histoire d'ados glandeurs confinés dans leur appartement pouvait susciter l'exaspération, ici, quelque chose accroche. Que ce soit par la (fausse) promesse d'un ailleurs, le parti pris de tourner obstinément le dos à la mer ou le subtil dérèglement de son dispositif, le film impose doucement sa singularité.
Les spectateurs les plus patients seront récompensés: en pointillés se dessine en effet une trajectoire initiatique. Un joli récit d'apprentissage, de fin d'adolescence, pas moins fort d'être traité tout en pudeur plutôt qu'avec l'énergie et la frontalité de Y tu mamá también (Alfonso Cuarón, 2001). Car bien sûr, toute cette indifférence apparente, du filmage comme des personnages, n'est que feinte. Chacun traîne son spleen, crève de solitude, d'ennui et de trouille sans trop savoir comment réagir. Au final, on n'est pas près d'oublier l'atmosphère étrange et le propos universel de ce film, qui montre sans avoir l'air d'y toucher des familles à la dérive et la nécessité de trouver de nouveaux liens pour se sentir moins étranger à sa propre vie.
Lake Tahoe, de Fernando Eimbcke (Mexique 2008), avec Diego Cataño, Hector Herrera, Daniela Valentine, Juan Carlos Lara, Yemil Stefani. 1h21