Cette semaine, tout particulièrement, on aurait bien aimé pouvoir brandir le vrai, le beau, le noble cinéma d'auteur (Emir Kusturica) contre le vulgaire produit de marketing (Astérix). Las! Les deux seules sorties de la semaine font passer le spectateur de Charybde en Scylla. Entre le bête plateau de télé propulsé sur grand écran et un cinéaste admiré en flagrante panne d'inspiration, on préfère certes encore le second. Mais de là à monter en épingle un échec aussi préoccupant que ce Promets-moi qui ne tient aucune de ses promesses...

A Cannes l'an dernier, c'était le seul film qui n'avait rien à faire en compétition. Mais on ne refuse pas le nouvel opus du lauréat de deux Palmes d'Or (en 1985 pour Papa est parti en voyage d'affaires et en 1995 pour Underground), 53 ans, quatre fois sélectionné et deux fois juré. D'où une belle volée de bois vert de la critique, qui semble à peine avoir effleuré le bouillant Serbe de Bosnie. Pourtant, à se disperser entre son No Smoking Orchestra, la création d'un village altermondialiste, des apparitions comme acteur dans d'obscurs films italiens, le montage d'un documentaire sur Diego Maradona et la mise en scène d'un «punk opera» inspiré du Temps des gitans, notre bonhomme pourrait bien avoir égaré son talent de cinéaste.

Entre icône et débauche

Tous les ingrédients sont pourtant là pour laisser croire à un bis de La Vie est un miracle (2004), film d'encore heureuse mémoire: charme bucolique, rythme endiablé, grotesque assumé et fanfares en embuscade pour une nouvelle fable picaresque. Mais dès l'agitation très exagérée d'un hameau de trois habitants (un grand-père, son petit-fils orphelin de 12 ans et une accorte institutrice), la sauce refuse de prendre.

Alors qu'un inspecteur vient fermer l'école tout en espérant séduire la future chômeuse (Ljiljana Blagojevic, l'égérie du jeune héros de Te souviens-tu de Dolly Bell?, 1981), le vieil homme, sentant ses forces l'abandonner, demande à Tsane d'aller vendre leur vache à la ville et d'en ramener une icône et une fiancée. Mais le naïf garçon tombe aussitôt sous la coupe d'un mafieux local (Miki Manojlovic, l'acteur fétiche en roue libre), lequel a également des visées sur la jolie Jasna qui a tapé dans l'œil de Tsane. Déjà souteneur de la mère de Jasna, le pervers zoophile débauchera-t-il aussi la fille dans son night-club/bordel?

Hélas, on s'en fiche royalement. Car entre deux réminiscences de Capra et de Fellini, d'Alexandre Medvekine ou de Tim Burton, Kusturica rame méchamment. L'humour plafonne au ras des pâquerettes, l'entrain paraît bien laborieux, la morale simpliste. Et malgré quelques piques antiaméricaines, la satire d'un pays livré à la rapacité d'entrepreneurs cyniques manque sa cible à force de grossir le trait. Même sous cette forme déliquescente (la musique du fiston Stribor non plus n'est pas près de faire oublier celles de Goran Bregovic), le carnaval Kusturica enchantera sans doute les fans les plus pavloviens. Mais de la part de l'auteur d'Arizona Dream, on attend autre chose que cette sorte de pochade tristement autoparodique.

Promets-moi (Zavet), d'Emir Kusturica (Serbie/France 2007), avec Uros Milovanovic, Aleksandar Bercek, Marija Petronijevic, Miki Manojlovic, Ljiljana Blagojevic. 2h06