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Le cinéma du mercredi. Le Rocky Horror Marijuana Show

«Reefer Madness» joue le charme «Midnight Movies» des années 70.

Le distributeur de cet ovni, Monopole Pathé Films AG, perdra sans doute des dizaines de spectateurs pour ne pas avoir pris la peine d'en traduire le titre. Reefer Madnesssignifie en effet la folie du shit, du cannabis, de la fumette, bref de la marijuana. Par contre, ses horaires de programmation, avec des avant-premières nocturnes au-delà de 23 heures, et, dès aujourd'hui, quelques séances tardives, respectent parfaitement l'esprit du film. Version filmée de la comédie musicale du même nom, Reefer Madness ressuscite en effet la philosophie des Midnight Movies, ces films atypiques des années 70 qui devinrent des objets de culte dès qu'un exploitant de salle américain plus malin que les autres eut l'idée de les projeter au-delà de minuit. Car c'est bien à ces heures indues, lorsque la fatigue, ajoutée à la jovialité bien arrosée d'un repas qui aura précédé, que Reefer Madness séduira.

Le plus Midnight Movie des Midnight Movies, le fameux Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman dont des hordes de fanatiques continuent de hurler les refrains depuis 1975, est la seule planche de salut référentielle à laquelle s'accrocher. Dans sa folie irrévérencieuse, Reefer Madnesssautille en musique dans le même genre de mauvais goût et de tabous sociaux.

Les cinéphiles les plus pointus y reconnaîtront surtout l'hommage détourné à un certain Reefer Madness, réalisé par l'obscur Louis J. Gasnier en 1936, une curiosité pudibonde qui avait été écrite par un groupe religieux extrémiste soucieux d'éloigner la jeunesse de la marie-jeanne. Andy Fickman, avec ses coauteurs Kevin Murphy et Dan Studney, en a d'abord tiré, il y a quelques années, une comédie musicale. Son succès à Los Angeles, puis off-Broadway à New York, a encouragé le trio à en tirer ce film, mise en abyme hilarante qui se déroule en 1936 lorsque, dans une petite ville américaine, un conférencier en croisade (Alan Cumming) présente le film de prévention à des parents d'élèves.

Reefer Madness version 2005 oscille donc entre la réaction des parents et les séquences outrancières du film qui leur est montré, plongée hallucinante de deux adolescents proprets dans l'enfer de la fumette. Et quel enfer: stupre, corruption, meurtres et même zombies dansants. «Ne fumez pas la moquette de la salle», prévient l'affiche. Un avertissement qu'Andy Fickman et sa bande n'ont manifestement pas suivi.

Encore que... Reefer Madness, excellente surprise, frappe d'abord par le soin apporté à la reconstitution des années 30 et par la qualité de la mise en images. Difficile de croire, après vision, qu'il s'agit en réalité d'un téléfilm, production de la chaîne Showtime qui, parallèlement à HBO (Palme d'or à Cannes pour Elephant), constitue l'un des derniers repères d'indépendance et d'originalité aux Etats-Unis. La télévision qui sauve le cinéma? On croit planer.

Reefer Madness, d'Andy Fickman (USA 2005), avec Alan Cumming, Kirsten Bell, Christian Campbell, Neve Campbell.