L’art de soigner sa sortie. Après sept éditions qui ont suscité autant de discussions que de sensations, Myriam Kridi quitte la direction du Festival de la Cité et sa der coïncide pile avec les 50 ans du célèbre rendez-vous estival. La classe. Et des promesses de réjouissances avec un bal populaire qui attend chaque soir les fans de cha-cha dans la cour du Collège de la Mercerie.

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Mais bien sûr, du mardi 5 au dimanche 10 juillet, la fête scintillera surtout au gré des 83 concerts et spectacles de danse, musique, arts du cirque, théâtre et performances répartis dans 18 lieux de la Cité et des hauts de Lausanne, côté Sauvabelin. Hier, au Musée historique, trois programmateurs tout frais entouraient la directrice pour la présentation du menu et les pépites pleuvaient.

Quant à la nouvelle direction de ce festival si cher aux Lausannois, elle sera connue «fin juin, après l’évaluation des trois derniers candidats, choisis sur les 20 qui ont concouru pour le poste», confie Valérie Humbert, présidente du conseil de fondation.

Des délices en pagaille

Peut-être est-ce l’effet post-covid et le retour d’un festival totalement libéré? Ou alors l’euphorie du jubilé? En tout cas, l’affiche 2022, plus internationale et colorée que jamais, donne furieusement envie.

Regardez plutôt. On pourra compter les points du football féminin avec Rébecca Chaillon, rebelle magnifique qui défend la cause féministe et celle des voix noires avec passion (La Châtelaine, mardi et mercredi). On pourra frémir aux danses de la conquête espagnole revisitées par la Mexicano-Chilienne Amanda Piña (dans la cour de Plateforme 10, mercredi et jeudi). On pourra manger des animaux en peluche débités par les Belges de la Boucherie Bacul (place du Château et la Riponne, de vendredi à dimanche). Ou se secouer au son du rap latino de la Suissesse Baby Volcano (Le Grand Canyon, samedi) ou du R’n’B sous ecstasy de la formidable Dua Saleh (Le Grand Canyon, vendredi).

Musique taarab et théâtre de papier

En matière d’artistes qui en jettent, impossible de ne pas citer la chanteuse Siti Muharam, héritière de la musique taarab et dont la «voix hypnotique et déchirante prend aux tripes», s’enthousiasme Gilles Valet, programmateur musical aux côtés de Joanna Frailich. (La Châtelaine, jeudi).

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Et ensuite? Des arts du cirque, beaucoup, avec un exercice de lévitation, une corde qui se pratique à deux, un magnifique théâtre de papier, un voltigeur qui fait l’animal ou encore cet étrange rendez-vous présenté avec fièvre par Jonas Parson, le benjamin des programmateurs: BitbyBit, du collectif belge des Malunés, deux frères qui remettent au goût du jour la suspension mandibulaire très en vogue chez les forains d’antan (La Friche du Vallon, du vendredi au dimanche).

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Et toujours au rang des grands élans, Gilles Valet est fier de la venue de Notwist, du rock allemand trentenaire, mais qui «a su évoluer et dont le chanteur à la limite de la justesse est diablement mélancolique» (Le Grand Canyon, mardi). Sans oublier une «des danseuses les plus extraordinaires» de la nouvelle génération, Maya Masse, spécialisée dans le crump à Paris et qui, à la Cité, propose Bullet Time, une chorégraphie qui utilise l’esquive au ralenti comme résistance non violente (Les Magasins de la ville, samedi et dimanche).

Rêverie aussi

Présenté ainsi, le programme a l’air secoué. Mais, parce que Myriam Kridi aime large, la 50e affiche de la Cité invite aussi à la rêverie. Eydis Evensen, pianiste islandaise, ensorcellera la cathédrale (mercredi). Une ronde funèbre honorera nos morts (cathédrale nord, jeudi et vendredi). Kosy, une polyphonie polonaise convoquera elle aussi les ancêtres (Le Grand Canyon, samedi, La Tour Sauvabelin, dimanche), tandis que le Romand Joël Maillard livrera ses réflexions désenchantées et néanmoins très drôles sur la fin du monde, dans Résilience mon cul (place Saint-Maur, du mardi au dimanche).

Dosage subtil

Le défi de la Cité? Trouver la bonne scène au bon endroit pour chaque spectacle ou concert proposé. «Nous avons beaucoup insisté sur ce point lors de l’audition des candidats à la direction», confirme Valérie Humbert, présidente du conseil de fondation. «Le directeur ne consacre que 20% de son temps à programmer. Tout le reste est dévolu au difficile équilibrage entre art et fête, au financement et au maillage subtil des lieux et des morphologies de scène pour accueillir au mieux les artistes.» Adrien Gardel, responsable technique, en sait quelque chose.

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Cette année, l’axe pont Bessières/rue Pierre-Viret est toujours réservé aux festivités et, comme de coutume, 18% du budget de 2,280 millions est supposé venir des recettes de la nourriture et des boissons, tandis que les subventions publiques en financent 50% et que 32% sont assurés par des sponsors privés.

Eternels débats

Cinquante ans. Le temps de se souvenir des éternelles discussions entre les partisans d’une Cité de la bière et les amoureux des arts. Entre les audacieux qui voulaient étendre le festival en basse ville et les accros à la cathé. Ou encore entre les fondus d'une production locale et les amateurs d’ailleurs. «Mais ce qui domine, conclut Valérie Humbert, c’est le bonheur des gens à participer à ce festival gratuit, inspiré et convivial. Et ça, ce n’est pas près de changer!»


50e Festival de la Cité, du 5 au 10 juillet, Lausanne.