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Au Club 44, l’ambition de voir par-dessus les montagnes

Une jeune directrice vient de reprendre le Club 44, à La Chaux-de-Fonds, lieu d’échange réputé en Suisse romande

Marie-Léa Zwahlen, déléguée culturelle du Club 44, le 24 juin 2020.  — © Xavier Voirol pour Le Temps
Marie-Léa Zwahlen, déléguée culturelle du Club 44, le 24 juin 2020.  — © Xavier Voirol pour Le Temps

Les plus anciens? Les vénérables sociétés de lecture lémaniques. Le plus récent? Le café psycho proposé par un jeune couple en Gruyère. Chaque semaine de l'été, «Le Temps» présente un de ces salons romands, tous impatients de pouvoir de nouveau causer, débattre et réfléchir à propos de l’état de la Suisse et du monde.

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C’était sa première saison et, comme tant d’autres, Marie Léa Zwahlen a dû fermer la porte à mi-mars. Mais il en faudrait plus pour abattre celle qui a vécu «comme un rêve» sa nomination au poste de déléguée culturelle du Club 44, à La Chaux-de-Fonds. «Ce lieu répond à une mission, celle de réfléchir aux problèmes du monde», déclare cette historienne de l’art, mère de deux jeunes enfants.

La directrice fait ses débuts, mais sa maison est une véritable institution. De tous les salons de notre série, c’est le seul qui soit destiné spécifiquement, de ses statuts à son architecture intérieure, à la conférence et à la discussion. La création du Club 44 est liée à l’ambition du chef-lieu des Montagnes neuchâteloises au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu’au mécénat des familles juives de l’élite horlogère, qui avaient déjà parrainé le Musée des beaux-arts ou la Société de musique. Le premier président du club, Georges Braunschweig, est aussi le pilote de l’aventure industrielle de l’«Incabloc» (un amortisseur de chocs pour l’horlogerie) et sera bientôt le plus gros employeur de La Chaux-de-Fonds. Sa ville ne pouvait rester, à ses yeux, un village puissamment industrialisé dont on était obligé de sortir pour rencontrer des gens intéressants. Le club est né, en 1944 donc, pour prévenir l’exode des cadres et des cerveaux ainsi que le repli culturel.

© Club 44
© Club 44

Un formidable patrimoine sonore

La fin des années 1950 ancre l’association, qui s’installe au 64 rue de la Serre. La salle de 250 places conçue par le Milanais Angelo Mangiarotti passe pour un chef-d’œuvre de l’architecture contemporaine. On y reçoit Sartre, qui répond à la question «A quoi servent les philosophes?» Il suffit du reste de quelques clics aujourd’hui pour écouter cette conférence. Comme toutes les autres depuis 1957, elle a été enregistrée puis numérisée sur le site internet du Club 44. Un formidable patrimoine sonore en libre accès.

A l’époque, le Club a la réputation d’être trop à gauche et le quotidien L’Impartial se livre à un pointilleux décompte des orateurs. On l’accuse aussi de parisianisme. «On ne peut trouver à Lausanne ou à Genève de quoi intéresser notre public 25 jeudis par an», rétorque Georges Braunschweig, qui a mandaté un recruteur pour attirer des conférenciers de poids.

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En 1984, au sortir de la crise horlogère, la famille fondatrice se retire, ce qui pousse le club à mettre en place un financement diversifié. C’est depuis cette époque que, tout en restant une association, il admet les non-membres à ses conférences contre l’achat d’un billet. «L’image d’un cénacle élitiste où l’on verse le champagne à gogo et des cachets mirobolants aux conférenciers n’a pas entièrement disparu, malgré tous les efforts d’ouverture», relate Marie Léa Zwahlen.

© Club 44
© Club 44

«Ceux qui croient que nous vivons de la main publique se trompent tout autant», ajoute-t-elle. Une subvention certes, mais aussi le sponsoring, les cotisations (180 francs) des 500 membres et les entrées (à 15 francs) des autres font tourner un budget d’un demi-million.

«Rajeunir notre public»

Le club a traversé les décennies, avec des hauts et des bas, mais fidèle à son ambition de départ. Celle qui lui a permis de rester, au cœur d’une «métropole horlogère» abonnée aux crises, un lieu d’échange reconnu en Suisse romande.

«Nous comptons sur l’imagination de Marie Léa Zwahlen et sur son ouverture aux problématiques nouvelles pour rajeunir notre public», note François Hainard, professeur de sociologie émérite et président du Club 44.

L’intéressée n’entend pas réinventer la roue, continuera d’accueillir un mélange de vedettes et de personnalités pertinentes moins connues. Les conférences sont courtes, pour favoriser le débat. Concerts, cinéma et galerie d’art complètent l’offre, «pour soutenir la culture comme un élément structurant de la communauté». Un projet: un cycle de réflexion d’un an sur la crise du Covid-19 et ses impacts, en collaboration avec le Centre culturel ABC et le Théâtre populaire romand (TPR). Reprise le 10 septembre.

A lire:

Club 44, questionner, débattre, rencontrer. Editions Alphil, 2019.

Site internet: club-44.ch