cinéma
Une mise en scène trop sage limite la portée de «Viva la libertà»

La comédie du double je
Si peu de films italiens récents ont été autant commentés que Viva la libertà, c’est surtout qu’il tombe à pic, en pleine débandade de la politique traditionnelle. En Italie, le livre Il Trono vuoto («Le Trône vide») est paru au printemps 2012, et le film est sorti en février 2013, juste avant les dernières élections générales. Aura-t-il autant de succès à l’étranger? Malgré une louable hauteur de vue qui pourrait l’apparenter à Habemus Papam de Nanni Moretti, on peut en douter. Car entre génie et banalité, la frontière est parfois mince, et pas seulement dans un scénario a priori intrigant.
On y découvre Enrico Oliveri, secrétaire général du principal parti d’opposition en chute libre dans les sondages. Un soir, après avoir été violemment pris à partie lors d’un meeting, il disparaît en ne laissant qu’une note laconique. Pour éviter la panique au sein du parti, son assistant se résout à un plan risqué: le remplacer par son frère jumeau, Giovanni Ernani, philosophe excentrique et bipolaire. Pendant que Giovanni surprend avec un langage inédit, Enrico prend du recul à Paris chez une ex qui travaille dans le cinéma, sa première passion…
Toni Servillo (Il Divo, La Grande Bellezza) dans un double rôle digne d’un monstre sacré, une mise en scène classique et bien rythmée: qu’est-ce qui fait que le film reste malgré tout en deçà des attentes? La tonalité de la fable un peu vague plutôt que d’une satire pointue, avec des discours-citations («A celui qui hésite» de Brecht) plutôt que des enjeux politiques concrets, a déjà ses inconvénients. Même le numéro d’un Servillo parfois trop sûr de ses effets peut agacer. Mais c’est encore à travers une réalisation trop strictement illustrative, attestée par la platitude de sa mise en abyme dans l’épisode français, que les limites deviennent évidentes.
L’ombre des grands
Roberto Ando est un homme de culture et de goût, et son appel à une rupture politique mérite d’être entendu. Mais il n’est pas (encore?) un bien grand cinéaste, au contraire de Fellini, de Moretti ou de Marco Bellocchio, duquel on aurait bien aimé découvrir La Belle endormie – avec le même Servillo en politicien de droite, mais qui n’a pas trouvé distributeur – pour comparer…
VV Viva la libertà, de Roberto Ando (Italie, 2013), avec Toni Servillo, Valerio Mastandrea, Valeria Bruni Tedeschi, Eric Nguyen, Anna Bonaiuto, Andrea Renzi. 1h34.