Le Concours de Genève se prend-il pour une diva? Les exigences sont-elles trop folles? Stupeur et protestations, tard hier soir, à l’issue de la finale percussion dans un Bâtiment des Forces Motrices bondé. Le verdict du jury (deux 2e Prix ex aequo, pas de 3e Prix) a froissé le public. Certaines personnes ont sifflé les membres du jury à l’heure de la remise des résultats. La foule enthousiaste a vibré pour Alexandre Esperet. Ce jeune Français de 22 ans, fluet mais tonique, lui-même étonné d’être parvenu jusqu’à la finale, a charmé l’assistance par son engagement physique, sa prise de risques.

Le jury, composé d’éminentes personnalités, ne l’a pas entendu de la même oreille. Si Alexandre Esperet décroche le Prix du public et le Prix spécial «Dr. Glatt» pour la meilleure interprétation de l’œuvre imposée à la première épreuve, il n’a même pas reçu un 3e Prix. La Taïwanaise Yu-Ying Chang, ondine souple et féline (29 ans), et le Français Rémi Durupt, sobre, à la tension intérieure, le plus cérébral des trois (26 ans), remportent ex aequo un 2e Prix pour leurs qualités bien différentes et complémentaires.

«Mais pour qui se prennent-ils?, s’échauffe ce spectateur. Dans les autres concours internationaux, le jury décerne régulièrement un Premier Prix, mais à Genève, la ville se ridiculise avec des critères de sélection hors proportions.» Le public ne voit qu’un quart du processus, rétorque Jean Geoffroy, président du jury. Pour nous, c’était une finale en demi-teinte. Aucun candidat n’a fait l’unanimité. Il n’y a pas eu d’enthousiasme définitif et évident autour de la table.»

L’excellence des prestations au 3e tour a placé la barre très haut, poursuit le percussionniste et pédagogue français. «Ils nous ont habitué à une exigence incroyable, on les suit.» La finale était un cran plus bas. «Personne n’a vraiment transcendé la pièce imposée. Alexandre Esperet est passé à côté du Gaudibert: il n’était pas dedans. Il s’est rattrapé dans les deux autres, mais il lui a manqué du temps de préparation.» Les divisions au sein même du jury expliquent l’absence de consensus. Compositeurs (le Suisse Michael Jarrell, l’Argentin Martin Matalon…), pédagogues et interprètes jugent les candidats du bout de leur lorgnette. Ils ont chacun leur idée sur le choix des pièces et leur exécution. «Les membres du jury ne sont pas dans la demi-mesure, explique Jean Geoffroy. Quand on aime, on aime, et quand on n’aime pas, on n’aime vraiment pas». D’où l’absence d’un premier prix.

En tant que président du jury, Jean Geoffroy s’interroge. «Bien sûr que je suis déçu qu’il n’y ait pas de 1er Prix. Préparer un événement de cette envergure réclame de longues années de travail. Peut-être ai-je poussé le bouchon trop loin en exigeant un programme d’œuvres imposées trop lourd.»