Musique
Le quatuor romand publie «Extinct», un furieux alliage plein de beaux déséquilibres. Brève présentation

Une basse, une batterie, une clarinette basse, un violon. Avec un arsenal pareillement hétéroclite, on ne peut que faire une musique qui s’extrait des schémas. C’est tout à fait le cas de Convulsif, projet emmené par le Combier Loïc Grobéty (à la basse): complété (dans l’ordre de l’instrumentation précitée) par Maxime Hänsenberger, Christian Müller et Jamasp Jhabvala, le quatuor soutient un propos à la confluence des genres: s’il fallait parler comme une étiqueteuse, on dirait qu’on a là quelque chose qui tient d’un post-rock musculeux sur lequel se greffent des éléments de jazz (là aussi dans une version plutôt rude) et de noise.
Mais si vous écoutez leur dernier disque, Extinct (tout récemment sorti par le label chaux-de-fonnier Hummus), vous vous rendrez surtout compte que l’art de Convulsif consiste à mettre en scène une suite de déséquilibres contrôlés. C’est ce qu’on pourrait appeler, pour parler en horloger, une complication sans ostentation (ce sont d’ailleurs toujours les plus belles): au cours d’une même pièce, vous passez insensiblement d’une séquence de miracles anguleux (ce qui fait la puissance de la section rythmique de Convulsif – Grobéty et Hänsenberger –, c’est d’être une machine qui sait nouer des rythmes à la fois savants et primaux) à des épisodes plus relâchés, où la clarinette basse et le violon élaborent des brumes toxiques et séduisantes, et enfin à des moments qui varient entre musique d’équations et pure furie. «En gros, ce que l’on souhaite, c’est faire la synthèse entre différents types de musique que l’on appelle sombres, mais aussi de pousser le rock dans des retranchements inexplorés. Autrement dit, c’est le plaisir de jouer avec les codes», explique Loïc Grobéty, attrapé au bout de son e-mail.
Puissance et «varietas»
Les quatre membres de Convulsif sont également sociétaires de l’Insub Meta Orchestra, le grand ensemble genevois de musique contemporaine fondé en 2010, et dont on célèbre à raison la versatilité et la fertilité des approches sonores. La filiation est ici patente et, à ce titre, «Five days of open bones» et «The axe will break», les deux morceaux les plus longs d’Extinct, sont des exercices magistraux de puissance et de varietas.
«Sonner organique avec une musique technique comme la nôtre, faire en sorte que le flow prenne le dessus, c’est un gros travail», explique encore Loïc Grobéty. On le conçoit aisément, et force est de reconnaître que la tâche a été ici menée à bien.