On lui prête des origines dans l’Himalaya, mais il serait connu des Chinois depuis plus de 5000 ans; mentionné dans la Bible et apprécié de Cléopâtre pour ses vertus esthétiques, il arrive en France au Moyen Age, où l’on pense qu’il «développe l’intelligence». Qui donc? Le cornichon, morbleu, qui inspire au Musée de Carouge un joli hommage.

C’est que la cité sarde a un pan d’histoire lié à la conserverie-vinaigrerie Chirat, la famille lyonnaise éponyme venue s’y établir au XIXe siècle. Si l’usine a entre-temps fermé, croquée par la multinationale Unilever, les pratiques et les images qui y sont liées, à commencer par les drôles de pubs d’Edmond Liechti à l’effigie d’un pickles band, demeurent…

Au-delà de ce prétexte historique, le héros de l’expo fait l’objet d’une quinzaine d’interprétations contemporaines par des artistes aussi divers que Ben, Guillaume Long, Albertine, Gérald Poussin ou Pierre Wazem. Marion Canevascini en fait la vedette d’une nature morte tricotée, au côté d’accessoires de pique-nique, alors que les inénarrables Plonk & Replonk lui inventent un ancêtre paléolithique velu et bardé de défenses dignes d’un mammouth, le transforment en champion de lutte à la culotte ou en nain de jardin, en confrérie secrète ou en maître occulte du monde.

Précédemment dans l’Histoire, pour Louis XIV, qui en raffole, La Quintinie, jardinier du roi à Versailles, cultive ses tiges vrillées avec délectation et volupté. On apprend aussi qu’il n’a pas toujours vu la vie en rose, moqué pour ses maigres vertus nutritionnelles et sa teneur en eau, quand on ne l’associe pas à quelque membre viril. Ou qu’il devient, dans la bouche du capitaine Haddock, un cousin du bachibouzouk.

On trouve aussi en fin de parcours une carte mondiale de sa présence et des traditions culinaires qu’il inspire, du malossol au tsukemono, en passant par le Gurkenbrot allemand et la soupe aux cornichons polonaise. Il faut encore savoir que le cornichon a son festival le 15 août en Bourgogne, son jour de gloire à New York, le National Pickle Day, le 14 novembre. Enfin, toujours aux Etats-Unis, celui qui a la chance de trouver le Christmas pickle caché dans le sapin a droit à un cadeau supplémentaire et à un présage chanceux.

Avec ça, le musée a concocté une série d’ateliers malins autour de la lactofermentation, de brochettes à confectionner en famille ou du goûter au jardin, dans lequel aura entre-temps surgi, on l’espère, une tribu de piquantes créatures vertes…


«Espèce de cornichon! Art, cuisine et Chirat», Musée de Carouge (GE), place de Sardaigne 2, tél. 022 307 93 80, ma-di 14-18h, jusqu’au 21 mai, entrée libre. Retrouvez tous les articles de la rubrique «Un jour, une idée».