Le monde que l’on crée dans son appartement. Le règne des objets. La dictature du rangement. Eternelle valse des possibles. La bouteille sur la table, le sac sur la chaise, le verre sur la bouteille. A moins que ce ne soit la bouteille sur la chaise, le sac au pied de la table et le verre dans le sac. La libre manipulation est-elle raison? Non, si l’on considère l’absurde sisyphien, répond Things That Surround Us, astucieuse performance de Clément Layes qui débute par une liste de Perec et finit sur un ouragan.

Né en 1978, Clément Layes a étudié la danse et le cirque à Lyon avant de travailler avec les chorégraphes Boris Charmatz et Odile Dubosc. Le corps, il connaît bien. Mais doute visiblement des articles divers qui peuplent nos univers. A Berlin, en 2008, le danseur a fondé la Cie Public in Private avec Jasna Layes-Vinovrski afin, justement, de «réfléchir aux questions posées par les modes d’organisation et de production contemporains» et «à la place du sujet à l’intérieur de ces derniers».

De fait, durant la première partie de Things That Surround Us, les deux protagonistes (Clément Layes et Vincent Weber) semblent empruntés face à des objets (table, chaise, verre, bouteille, seau, etc.) qu’il faut nommer en français, anglais et allemand, puis agencer harmonieusement alors qu’ils se dérobent, se désossent, cèdent de tous côtés. Pour conjurer la fragilité, les deux hommes accélèrent la cadence, redoublent d’inventivité. Simple numéro de clowns sur l’encombrement quotidien? Non, car les mots viennent prolonger les objets. La chaise, qui ressemble à un trône, inspire les termes en lien avec le pouvoir. Les feuilles de papier suggèrent le contrat jamais signé, la lettre d’amour jamais envoyée. Les objets ont une âme, celle qu’on leur prête, raconte Clément Layes.

Qui n’a pas dit son dernier mot. Dans la seconde partie, trois hommes de ménage (Ante Pavic a rejoint le duo) s’adonnent aux joies du balayage. Il s’agit de faire place nette après la catastrophe. Sauf que certains balais crachent du sable et que, sur le sol, cercles, roues dentelées et spirales se font et se défont au gré d’un ballet de plus en plus infernal. Car là aussi, la logique veut que le matériel devienne le pire ennemi. Pièces de monnaie en pluie, poignées de gravier, seaux en cascade, la surenchère dit quelque chose de l’emballement actuel mû par la peur du vide. Aucun mot, cette fois, mais une tempête de sable qui exprime le chaos du trop.

La Bâtie - Festival de Genève, jusqu’au 14 sept., 022 738 19 19, www.batie.ch