Ce canevas posé, le cinéaste sort son joker: une déclinaison selon trois possibilités, comme dans le mémorable Hasard (1982) de Kieslowski. Trois mini-scénarios successifs, qui bifurquent pour aboutir soit sur la mort, soit sur une fin heureuse. Le principe est amusant, le propos pas idiot, le style frappant. Si Tykwer ouvre son film sur une méditation typiquement germanique sur la condition humaine, ce n'est que pour mieux l'envoyer promener. L'air de rien, au milieu d'une véritable bordée d'idées visuelles (dessin animé, accéléré, split-screen, montage-photo, etc.), son film parle du destin et du hasard, de l'argent et de l'amour, d'une jeunesse qui ne se reconnaît plus dans les modèles parentaux.
Le premier film de l'auteur, Die tödliche Maria, révélait un fou de cinéma autodidacte qui empilait les références à ses cinéastes favoris: Fassbinder, von Trier, Greenaway et Errol Morris. Cette fois, les influences ont été digérées. Plus souterraines, elles assurent que le film ne sombre pas dans le n'importe quoi. Comme la bande-son qui parvient à faire cohabiter techno et Charles Ives (The Unanswered Question), le ton concilie avec succès une touche de cynisme actuel et l'aspiration à mieux.
Cours, Lola, cours (Lola rennt), de Tom Tykwer (Allemagne, 1998), avec Franka Potente, Moritz Bleibtreu.