Evoquer les pères fondateurs de l'art moderne, celui du XXesiècle jusqu'à l'art qui franchit maintenant le seuil du XXIe , n'est pas difficile. Ces références ne sont pas nombreuses: Paul Cézanne, Marcel Duchamp, Vassily Kandinsky voire Malevitch reviennent régulièrement. Mais pour nombre d'analystes, ils sentent les décombres.
A Duchamp, qui a introduit dans le champ de l'art l'objet tout fait, manufacturé, appartenant au quotidien, il est reproché d'avoir désacralisé l'art. Cézanne, en proposant de ramener la vision à la perception de volumes géométriques élémentaires, a fait s'effondrer la construction classique du tableau, via Mondrian et Picasso. Et Kandinsky, en effectuant sa plongée dans l'abstrait, a remonté à la surface l'intellect (au mieux: le spirituel) au détriment des sentiments et des sensations.
Curieusement, il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour renouer avec du plus positif et voir ressurgir l'œuvre et la personnalité de Claude Monet. En fait, ce n'est pas si curieux, tant ces peintures sont solaires, même dans leur traitement des ombres. Ce souffle revigorant est bienvenu. Et cet épanouissement, qui va pourtant jusqu'à dissoudre la réalité et manque à chaque fois de happer le spectateur dans l'immensité des toiles de l'œuvre ultime, séduit les jeunes peintres américains d'alors. Qui retrouvent chez lui leur propre soif d'exubérance et d'espace: ils ont fait, du coup, revivre Monet.
En reprenant ce «Monet Revival», la Fondation Beyeler à Bâle s'applique à confirmer la modernité de Monet. Car elle confronte ses créations avec celles d'autres artistes qui lui sont liés par des affinités spirituelles. Ce concept de «Monet Revival» recouvre un état d'esprit qui doit beaucoup au rayonnement des œuvres de l'impressionniste. Tout un symbole: les «Grandes Décorations» aux nymphéas avaient été données par l'artiste à l'Etat français pour célébrer la fin de la Première Guerre mondiale. Pas difficile d'imaginer que leur baume apaisant devrait encore opérer, séduire, en nos temps agités.