Sous le couvert de la sérénité, le chef révèle les turbulences intérieures. Son quatuor de solistes excelle à rendre chair aux textes, comme ce «schnödes Sodom» (méprisable Sodome) que martèle le contre-ténor Daniel Taylor dans la Cantate Wir müssen durch viel Trübsal. La soprano Carolyn Sampson émerveille par l'éclat de sa voix, le ténor Andreas Weller et la basse Peter Kooij dissipant le poids de la vie terrestre dans un fabuleux duo proclamant l'immortalité de l'être. Une fin en apothéose.
Critique. Bach en apothéose
On voudrait se taire devant tant de beauté. On voudrait retenir son
On voudrait se taire devant tant de beauté. On voudrait retenir son souffle pour immortaliser ces voix qui chantent comme un chœur d'anges. C'était samedi soir, au Festival Bach de Lausanne. Une longue file d'attente a pris son mal en patience avant d'entrer dans l'église Saint-François. L'édifice était bondé. Tous s'étaient déplacés pour écouter Philippe Herreweghe et le Collegium Vocale Gent dans trois Cantates pascales de Bach.
Fusion des voix, aération des textures, transparence du tissu polyphonique: tout est là, y compris cette ferveur sans laquelle le langage de Bach ne devient qu'un embryon desséché. On mesure à quel point la pratique de la musique baroque a fait des bonds en trente ans. Les cordes ont acquis un moelleux qui n'exclut pas une tonicité roborative, les vents dégagent une rondeur et une grâce qui nimbent leur jeu d'une aura surnaturelle (sublime hautbois d'amour de Marcel Ponseele). Et Philippe Herreweghe n'a plus rien à prouver dans un répertoire qu'il maîtrise sur le bout des doigts, au point qu'il use d'une gestique minimale.