Ailleurs, sur le registre de l'exaspération dans lequel il excelle, le chanteur a fait de sa relation avec Charlotte Carrington un fil rouge succulent. Bon comédien, Delerm est ainsi allé et venu entre marivaudage et gravité, plaçant le très beau «Baiser Modiano» à un endroit précis du spectacle pour couper court aux rires. Le titre aura aussi montré les progrès vocaux d'un Delerm plutôt loué pour ses nuances narratives.
Critique. Delerm, des airs complices
«C'est long! On aurait mieux fait de manger avant», taquine François
«C'est long! On aurait mieux fait de manger avant», taquine François Morel en voix off. Avant que l'ex-Deschiens ne raille l'abus de noms propres auquel recourt Vincent Delerm: «C'est facile, moi aussi je peux en écrire plein des chansons comme ça.» Le deuxième des trois concerts romands à guichets fermés du chanteur n'a pas commencé, vendredi au Grand Casino de Genève, que la salle est déjà pliée de rire. Et la complicité forgée.
Des apartés fugaces et cocasses du genre, Delerm n'en abusera pourtant pas dans ce récital qui démarre, piano-phrasé désabusé comme toujours, avec le très mélancolique «Deauville sans Trintignant» pour se terminer à «Evreux» et avec «Le Lundi au soleil» sans Clodettes. Entre one-man-show et concert, Delerm n'a pas l'air d'avoir choisi. Tant mieux, les ressorts de l'un et l'autre tissent la trame de sa comédie humaine ultra-référencée, où se glissent à l'envi mensonge, trahison, amour, ennui, audace ou démagogie. Un divertissement sans travestissement que Delerm pimente avec quelques chansons inédites, dont l'habile et drôle «Harlem Désir» qui met en scène un fan de foot: «Pourquoi c'est si beau/Pourquoi c'est si bien/De taper aux pénos/Les Italiens […] Si Harlem Désir nous entendait/ Qu'est-ce qu'on prendrait!» Tout l'art de révéler un détail universel par le biais d'un plaisir minuscule. Delerm a aussi réécrit «Tes Parents», et les nouveaux stratagèmes d'un potentiel beau-fils n'ont rien perdu de leur drôlerie.