Critique. Le piano de demain est né
Trois compositeurs (Bruno Giner, Rainer Boesch, Steve Reich), trois
Trois compositeurs (Bruno Giner, Rainer Boesch, Steve Reich), trois styles (un architecte, un chercheur, un visionnaire), mercredi soir au BFM de Genève, dans le cadre du Festival Archipel. Rainer Boesch a métamorphosé un piano Steinway en méta-instrument à clavier, un engin qui crache des sons électroniques – certains plaisants, d'autres affreux. Le profane se doute que le pianiste n'est pas seul à générer des tempêtes sonores.
Vêtu d'un frac ordinaire, Rainer Boesch se penche à l'intérieur du clavier: il gratte les cordes du bout des ongles, puis fait rouler une bille en métal. Une nébuleuse de sons émerge, sourds, confus; ils se répercutent dans des haut-parleurs disposés sur le pourtour de la scène. Puis la nébuleuse se modifie, c'est une autre galaxie sonore plus explosive. Le pianiste est maintenant assis à son clavier, certaines harmonies font penser à Rachmaninov. Cette œuvre échappe à l'intellect, on la reçoit comme une expérience initiatique.
Son titre,… ferner Schnee (neige lointaine), fait allusion à la couronne de neige du Mont Fuji. Selon le vécu de l'auteur, «le calme de cette montagne est en contraste avec la violence de son éruption (pressentie) – et correspond au caractère de l'être japonais chez qui l'infinie gentillesse et la chaleur profonde peut passer, en un éclair et sans raison apparente, à la colère ou une indifférence glaciale et insondable».
De tempérament cyclothymique, la musique de Rainer Boesch vogue en effet d'un monde sonore à un autre, selon des algorithmes que manipule en temps réel l'informaticien Nicolas Sordet. Le piano de demain est né.